Des voix qui les font tant souffrir
Dans le document d’«Infrarouge» de ce mardi soir, Gérard Miller recueille les expériences d’hommes et de femmes victimes d’hallucinations auditives. Des témoignages poignants, suivi d’un débat, à voir sur France 2, à 23h30.
Camille entend les mots de l’inconnu et s’éloigne du bord du pont. «À ce moment-là, j’ai voulu le suivre, mais il a disparu. En fait, je me suis rendu compte que ce n’était pas une vraie personne…» Depuis, Camille a fréquemment des hallucinations visuelles, mais surtout auditives. À 26 ans, elle fait partie de ce que les psys appellent «les entendeurs de voix».
Dans la tête
Camille, Vincent, Julie… Tous entendent des voix alors que personne ne leur parle. Et tous ont accepté de témoigner devant la caméra du psychanalyste Gérard Miller pour un doc de France 2 (mardi, 23.20). «Quand les voix s’arrêtent, je me dis que ce sont des hallucinations», poursuit Camille. «Mais au moment où elles sont là, je n’arrive pas à me dire que ce n’est pas vrai. Je ne sais pas si ça vient de mes oreilles ou de ma tête mais ça martèle, ça martèle…» Elle a parlé de tout cela à son compagnon et le jeune homme se montre plus que compréhensif. «Quand les voix sont là, il sait trouver les bons mots pour me faire revenir à la réalité. J’ai eu du bol de tomber amoureuse de mon chéri !»
Un ennemi intérieur
Tous les entendeurs de voix n’ont pas cette chance. La plupart ont échoué ou renoncé à faire comprendre leur mal à leurs proches. Ils préfèrent se taire et couper les ponts que d’être pris pour des fous. Mais plus ils sont seuls, plus les voix prennent le pouvoir et plus la souffrance est grande. Polo, autre intervenant du doc, a été diagnostiqué schizophrène. Il explique de façon poignante : «On a l’impression que c’est un autre en soi qui parle. Comme un ennemi intérieur. C’est le plus dur dans cette maladie : vous ne pouvez pas vous prémunir. Si vous êtes poursuivi par quelqu’un dehors, vous pouvez toujours appeler la police ou vous réfugier quelque part. Mais là, l’ennemi est dans votre cerveau. Vous ne pouvez pas le chasser…» Polo raconte aussi combien tout cela est douloureux. «C’est très difficile à décrire, mais cette douleur de l’esprit est aussi vive qu’une torture physique. C’est comme se faire arracher une dent à vif. C’est très violent.»
Le savoir des malades
«Les soignants ont beaucoup à apprendre de ceux qui souffrent», estime Gérard Miller. C’est ce qui l’a poussé à faire le doc et à rencontrer Polo Tonka, auteur de plusieurs livres, dont «Dialogue avec moi-même. Un schizophrène témoigne» (éd. Odile Jacob). Ce récit a éclairé pas mal de psychiatres sur ce que vivent et ressentent les entendeurs de voix. «Le problème avec cette maladie, c’est qu’elle touche la pensée», rappelle Polo. «Or, nous en avons besoin pour savoir qui nous sommes et ce que nous vivons. Quand la pensée est malade, c’est difficile de s’en rendre compte.» Polo a toujours gardé une grande lucidité par rapport à ce qu’il vit. Il a pu exprimer ce que bon nombre de malades ne peuvent dire à leurs médecins. «Il est la preuve vivante qu’il y a chez eux un savoir irremplaçable», conclut Gérard Miller.
Article paru dans Télépro du 25/03/2021
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