David Leloup, auteur de «Saint-Nicolas est socialiste» : «La Constitution est bafouée au quotidien»

Roger Boeckx et Filippo Zit se voient comme des lanceurs d’alerte face à une autorité communale opaque © RTBF/Dancing Dog Production
Alice Kriescher Journaliste

Mercredi à 20h20, La Une nous propose un documentaire surprenant qui pose un regard critique sur la dynamique du conseil communal de Saint-Nicolas, à Liège.

Partir d’une commune liégeoise et de son conseil communal pour aborder des problématiques universelles comme la transparence en politique, c’est le pari du documentaire «Saint-Nicolas est socialiste», du journaliste et réalisateur belge David Leloup.

Comment est né ce projet ?

J’ai été contacté par les deux protagonistes du film, Roger Boeckx et Filippo Zito (ndlr : conseillers communaux de l’opposition à Saint-Nicolas au moment du film). Ils voulaient dénoncer, croyaient-ils, l’existence d’un scandale potentiel de corruption lié à la vente d’un terrain de football à un promoteur immobilier flamand. Au rendez-vous, j’ai été inondé de documents. Il y avait en effet des choses troublantes, mais il manquait clairement une preuve de corruption. Plus que l’affaire, ce sont les personnalités de Roger et Filippo qui m’ont intéressé. Ils ont vraiment pris ce dossier à bras le corps, remué ciel et terre pour dénicher des documents qu’on ne voulait pas leur donner et enquêté à la manière de journalistes/citoyens. J’ai donc vu, dans ce duo truculent, matière à faire un film documentaire sur l’échelon le moins connu de la démocratie représentative, l’échelon communal.

Comment expliquez-vous l’apparent désintérêt pour la politique communale ?

De la part des médias, ce «désintérêt» vient du fait que la presse est, depuis quelques années, en sous-effectif. Le quotidien national Le Soir, par exemple, n’a plus de bureau liégeois. Partout, les pages des journaux se sont réduites et la quantité du contenu traité a diminué. Comment voulez-vous, dès lors, que le citoyen s’intéresse à la chose publique locale ? D’autant plus que peu de choses sont faites pour l’informer du calendrier des conseils communaux et de leur contenu.

Pensez-vous que ce film, qui se concentre sur une commune liégeoise, peut parler à tous ?

Grâce au duo constitué de Roger et Filippo, le film se présente comme une sorte de «Strip-tease» politique mais, j’insiste, qui porte un regard bienveillant. Ce n’est pas le cas de tous les «Strip-tease»… Nous rions avec eux, pas d’eux. Après la diffusion du film en salle, j’ai reçu des commentaires soulignant le fait qu’on oubliait vite Saint-Nicolas. Que ses tribulations pouvaient être celles de n’importe quelle autre ville dans le monde, pour autant que le système politique y soit relativement similaire. Mais, dans tous les cas, la question du pouvoir est la même, peu importe les détails du système politique en question.

Dans le documentaire, on découvre aussi «transparencia.be»…

Oui, c’est une association qui milite pour que l’ordre du jour des conseils communaux et leurs documents préparatoires soient distribués à tous les citoyens de la commune, voire à n’importe quel citoyen, avant le conseil. Ils ne demandent que l’application d’un article de la Constitution selon lequel tout document administratif est un document public. Dans les faits, la Constitution est donc bafouée par des dizaines, voire des centaines de communes sur le territoire national.

Est-ce que les choses ont évolué depuis la fin du tournage ?

Depuis le film (2016 à 2019), Transparencia a réussi à faire un peu bouger les lignes. Le ministre des Pouvoirs locaux, Christophe Collignon, a décidé de débloquer une enveloppe de manière à permettre aux communes qui le souhaitent de mettre à disposition tous les documents préparatoires des conseils sur Internet.

Cet article est paru dans le Télépro du 27/5/2021

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