Cyril Detaeye : «C’est un anniversaire qu’on aimerait ne pas fêter !»

Cyril Detaeye © RTBF/Jean-Michel Byl
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

L’animateur de «C’est vous qui le dites» est témoin de la précarité pour Viva for Life.

Tous les soirs, dans la quotidienne de Viva for Life sur La Une, Cyril sillonne le pays pour rencontrer les personnes qui vivent dans la précarité.

En quoi consiste «(La précarité), c’est vous qui en parlez !» ?

L’objectif est d’aller à la rencontre de personnes qui n’ont pas de liens particuliers avec les associations. On voit beaucoup de familles précarisées dans Viva for Life qui sont aidées par des structures. Ici, c’est parti de «C’est vous qui le dites !» avec des témoignages de personnes qui craquaient de plus en plus dans l’émission. Elles se retrouvent, pour la première fois, confrontées à la précarité. Pourtant, ce sont des gens qui bossent ou des couples avec deux salaires mais qui ne s’en sortent plus. Avec le producteur, on s’est dit que c’était en train de basculer, il se passe quelque chose… Nous avons eu envie de prendre le temps d’aller les voir et les écouter. Tous les témoins sont des intervenants de «C’est vous qui le dites».

Viva for Life ne donne qu’aux associations. Il ne faudrait par faire comme en Suisse et partager les gains avec les banques alimentaires pour aider ces personnes aussi ?

Le fait de parler de ce qu’ils vivent, ça fait un bien fou. On passe au-delà de la fierté. Forcément, ça reste de la télé, et il y a du montage, mais les rencontres prenaient vraiment du temps. On n’est pas arrivés avec une baguette magique pour sortir les familles des difficultés, mais la partie qu’on ne verra pas, c’est que toutes les personnes ont reçu une aide personnalisée de l’équipe de Viva for Life. Quand on tombe dans la précarité pour la première fois, aller frapper à une porte, c’est quelque chose de compliqué… On leur a proposé un début de solution à leur problème. La condition de cette opération dans l’opération était de ne pas arriver les mains vides.

On ne sort pas indemne de ces rencontres…

J’aime bien prendre du temps de discuter. On dit qu’à l’antenne, je coupe la parole, mais je n’ai pas le choix, j’ai une émission à faire tourner. Ici, si on devait prendre un heure et demie par personne, on prenait une heure et demie. C’est vrai que des témoignages ont été difficiles à entendre. Les témoins ont pleuré plusieurs fois, et pour être honnête, moi aussi… Après trois ans dans Viva for Life, je savais que j’allais rentrer chez moi hanté par certains témoignages. Je l’ai déjà vécu dans le Cube. Mais, c’est hyper important parce que c’est une réalité pour beaucoup de familles aujourd’hui. Cette difficulté-là est nécessaire pour que tout le monde prenne conscience de ce qui est en train de se passer. Ce ne sont pas des mots, ce ne sont pas des titres d’articles.

Est-ce que cette période difficile pour tout le monde n’aura pas une incidence sur les dons ?

Ce qu’on peut observer depuis toutes les crises qui se sont enchaînées, c’est qu’il y a une générosité dingue de la part des gens qui peuvent donner plus qu’il ne faut. C’est peut-être une prise de conscience de leur part… Malgré tout, ceux qui sont dans des situations moins confortables mais qui peuvent se le permettre, donnent. À une petite échelle, ils participent aussi. Cette générosité est vachement présente en Belgique, par rapport aux autres pays. Il y a eu le Téléthon, en France, qui récolte forcément un montant très important, mais proportionnellement par habitant, c’est moins que ce qu’on ne croit. Si on cumule Viva for Life, le Télévie et CAP48, le Belge est toujours très généreux. Je ne crains pas pour le compteur de cette édition.

Vous qui prenez le pouls grâce à «C’est vous qui le dites !», êtes-vous optimiste pour l’avenir ?

Je n’ai pas de boule de cristal… Ce que je vois, c’est que ça devient de plus en plus compliqué financièrement pour de plus en plus de gens, et même compliqué psychologiquement. C’est difficile à entendre au quotidien dans l’émission. Je suis impuissant par rapport à ça… Et ça m’affecte. J’aimerais pouvoir dire que dans quelques mois, ça va aller mieux et tout le monde sera heureux. Mais, je ne le sens pas comme ça. J’espère juste que ça va s’améliorer pour tout le monde. Même ceux qui ne se posent pas de questions financières aujourd’hui, voient une différence. La crise touche tout le monde. On peut être très confortable aujourd’hui, et basculer demain. C’est flippant…

Vous allez revenir dans le Cube pour fêter les 10 ans ?

Quand vous avez fait Viva for Life une fois, vous ne quittez jamais l’opération même si vous n’êtes plus dans le Cube. Les dix ans de Viva for Life, c’est un anniversaire qu’on aimerait ne pas fêter, mais l’opération est utile. Il y a des associations qui dépendent vraiment de nous. Et encore plus cette année que les autres.

Sara De Paduwa est dans le Cube depuis 9 ans, ça vous inspire quoi ?

Le respect ! Je la trouve courageuse. Elle est balaise d’y être depuis 10 éditions. C’est émotionnellement que c’est compliqué. On n’en ressort pas indemne. Honnêtement, je ne suis plus le même depuis que j’ai fait Viva for Life. Il y a des choses brisées en moi, et auxquels je pense tout le temps. Sara a une énergie de dingue pour arriver à le faire chaque année.

Votre meilleur souvenir dans le Cube ?

Les nuits de Viva for Life où on s’est marré très fort. C’est cliché, mais le meilleur moment, c’est celui où on appuie sur le buzzer pour connaître le montant récolté. Les gens pensent qu’on sait et qu’on nous met au courant pendant la semaine, mais en fait, pas du tout. Les trois fois où j’ai appuyé et que le montant s’est affiché, je me suis rendu compte que la mobilisation a servi, puisque qu’on a à chaque fois récolté encore plus d’argent. La sensation à ce moment-là est inexplicable.

Vous y retourneriez ?

Si on me demande de le refaire, j’accepte sans hésiter.

Interview : Pierre Bertinchamps

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