Costume-cravate : symbole désuet de l’homme moderne
Dans une numéro du magazine «Faire l’histoire» taillé sur-mesure, Arte remonte le fil du temps jusqu’au XIXe siècle, époque où le costume-cravate fait son apparition et va progressivement devenir un symbole du monde moderne occidental. À voir ce samedi soir, à 18h15.
Avez-vous remarqué ? De nos jours, les fonctionnaires vous accueillent en jean et pull rayé, les agents immobiliers travaillent en baskets, les banquiers portent la doudoune sans manches et les profs donnent cours en manche de chemise. Il y quelques années encore, tous ces professionnels auraient porté le costume et la cravate. Cette époque semble révolue. La vente de costumes a chuté de 60 % au cours de la dernière décennie. Et seuls 2,5 % des messieurs achètent encore une cravate par an. Pourquoi nos pères et nos grands-pères portaient-ils tous le costume ? Un peu d’histoire…
Le prince de Galles
Le costume-cravate a longtemps été l’uniforme de l’homme moderne. L’histoire commence en Angleterre avec le fils aîné de la reine Victoria, le futur Édouard VII alors prince de Galles. En 1855, il est le premier à s’afficher avec une veste et un pantalon taillés dans la même étoffe. Jusque-là, les deux pièces étaient confectionnées dans des tissus contrastés et selon un modèle souvent compliqué. Le costume allège la silhouette, remplaçant la longue et lourde redingote par un veston droit.
Ce modèle ne tarde pas à s’imposer. À tel point qu’il va définir une nouvelle catégorie sociale : les cols blancs, qui portent la chemise blanche sous le costume et constituent une classe moyenne de fonctionnaires et autres employés de bureau. On les oppose aux cols bleus, les ouvriers en bleu de travail. Parmi les cols blancs, on distinguera ensuite ceux qui ont les moyens de s’offrir un costume sur mesure chez le tailleur de ceux qui doivent se contenter du prêt-à-porter…
À l’occidentale
Dès les années 1880, de Léopoldville à Saïgon, le costume est adopté par les messieurs aux manettes de tous les centres urbains de la planète. On peut évidemment y voir une conséquence de la colonisation. Mais ce n’est pas la seule explication. Plusieurs pays décident d’imposer le costume-cravate à leurs élites.
En 1894, le Japon exige que ses fonctionnaires, qui arboraient encore des tenues traditionnelles, portent désormais le costume cravate. Le pays ambitionne de tourner la page du système féodal pour se moderniser sur le modèle occidental. Il adopte donc ses codes vestimentaires. La Turquie fera pareil en 1925. Alors qu’il travaille à laïciser la société, Mustapha Kemal interdit le couvre-chef traditionnel en feutre rouge pour imposer le chapeau et le costume à l’occidentale.
De lourds symboles
Le costume devient ainsi le vêtement symbolique de la modernité, de l’Occident tout-puissant et du capitalisme. Lorsque ces valeurs seront remises en cause, le costume le sera aussi. C’est le cas dans la Chine de Mao. Le leader communiste impose son propre style vestimentaire, unisexe et égalitaire : le col Mao. Mobutu s’en inspire au Zaïre. Dès 1972, il interdit le costume-cravate et arbore l’abacost : une veste sans col, souvent à manches courtes. «Abacost» est l’abréviation d’«à bas le costume», symbole du colonisateur belge. La république islamique d’Iran a également interdit la cravate, perçue là-bas comme un symbole de la dépravation occidentale. Qui a dit que l’habit ne fait pas le moine ?
Article paru dans Télépro du 06/05/2021
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