Congo : faim de changement
«Le Congo pourrait nourrir 3 milliards de Terriens, la moitié de la planète. Pourtant, 1 Congolais sur 2 a faim !» Ce constat si paradoxal est le point de départ du somptueux documentaire d’Antonio Spanò intitulé «Amuka, le réveil». À découvrir ce samedi sur La Trois, à 23h40.
Positive attitude
Irak, Libye, Haïti : j’ai beaucoup voyagé», raconte Antonio Spanò, «mais ce que vivent ces personnes, on ne peut pas l’imaginer sans l’avoir vu». Eugénie l’a surtout impressionné. Elle habite le Nord Kivu, une région particulièrement instable politiquement et convoitée par de nombreux groupes armés en raison des richesses de son sous-sol (or, cuivre, coltan…). «Elle a 40 ans et 7 enfants. Tous les jours, elle se lève à 5 heures pour s’occuper de sa plantation de café. Celle-ci se trouve à 7 km de sa maison, dans la montagne. Elle risque sa vie pour son travail, pour nourrir sa famille, ses enfants… grâce à ce que j’appellerais sa ’’positive attitude’’». Et celle-ci semble contagieuse : avec son mari, Eugénie a lancé une coopérative de paysans. Ils étaient 14 au début, aujourd’hui ils sont plus de 1.300 coopérateurs. «Ici, en Belgique, nous avons aussi des héros. Mais là-bas, avec le climat hostile, la nature agressive, les routes inexistantes : tout est difficile !».
Coopérer pour grandir
Comme Eugénie, tous les intervenants ont été filmé à différents moments de leur vie entre 2016 et 2019 : Biaba, producteur de riz dans le Sud Kivu ; Colette et Chantal, productrices d’huile de palme dans la province du Kongo Central ; et Augustin et ses vaches à lait du territoire de Masisi (Nord Kivu). Malgré les différents lieux et la variété de leurs activités, tous ces agriculteurs partagent le même souhait : s’en sortir en se regroupant en coopératives. Le nom d’une d’entre-elles a inspiré au cinéaste le titre de son film : «amuka», qui signifie «réveillez-vous». Derrière chacun des coopérateurs ne se cachent pas seulement leurs familles nombreuses : 70 % de la population active de RDC travaille dans le secteur agricole. Et pourquoi ça ne marche pas ? Une image du film remonte immédiatement à la mémoire d’Antonio Spanò. «Un de nos personnages, assis dans une usine en ruine, nous dit : ’’Nous avons des terres, des champs, les bras pour travailler et l’envie d’y arriver… Tout est là. Mais (un peu comme cette usine), tout est foutu, ça ne marche pas’’.»
Comment faire en sorte que cela fonctionne, que l’expression «amuka» ne soit pas qu’un vœu pieux, que ce réveil tant souhaité par ces paysans déterminés soit entendu, encouragés, soutenus par les dirigeants ? Les images de Spanò sont fortes. Plus que des grands discours, elles sont le porte-voix puissant de ces gens simples, de milliers de Congolais, héros du quotidien entrés en résistance contre le fatalisme ambiant, comme un pont tendu entre deux rives. «À pied, en pirogue, perchés au sommet de camions-épaves, ils quittent leur village et s’engagent sur le chemin du marché avec une seule volonté, celle de faire vivre une agriculture familiale».
Article paru dans Télépro du 17/09/2020
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici