Comment David Bowie a favorisé l’émergence des Noirs à la télé

Comment David Bowie a favorisé l'émergence des Noirs à la télé
Julien Vandevenne
Julien Vandevenne Rédacteur en chef adjoint

Une vidéo datant de 1983 ressurgit, et montre comment le chanteur était en avance sur son temps.

Pâle et mince, David Bowie incarnait un « duc blanc filiforme » (Thin White Duke). Mais sa première passion restait la musique noire et ses idées sur les questions raciales étaient en avance sur leur temps malgré des rapports un temps ambivalents avec le nazisme.

«Lui aussi est américain !»

À la mort de la légende du rock, décédé dimanche d’un cancer à 69 ans, une vidéo de 1983 de David Bowie accusant la jeune chaîne de télévision MTV d’oublier les Noirs a refait surface.

C’est une tendance « omniprésente parmi les médias américains », remarquait Bowie. Alors que l’animateur de MTV Mark Goodman se justifie en disant que sa chaîne doit « jouer une musique qui plaira au pays tout entier » et qui doit parler « à un ado de 17 ans » qui n’habite pas dans une grande ville, Bowie persiste poliment. « Mais attendez, peut-être que les Isley Brothers ou Marvin Gaye parlent à un ado de 17 ans noir. Lui aussi est américain », explique-t-il, en évoquant les stars de la soul et de la funk.

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À l’époque, Bowie était l’un des artistes préférés de MTV, et il ne risquait pas de se mettre la chaîne à dos avec de tels propos. Peu de temps après, Michael Jackson devenait le premier artiste noir à être mis en avant par la chaîne musicale. Cette anecdote montre à quel point Bowie se sentait concerné par la question raciale, même si son public était plutôt blanc.

La musique noire a inspiré toute sa carrière

Au début de sa carrière, quand il jouait dans le sud des Etats-Unis, où la ségrégation raciale venait d’être abolie, Bowie insistait pour être accompagné par des musiciens noirs et s’occupait de leur faire quitter la ville après le concert sans qu’il ne leur arrive de problèmes. En 1975, à la fin de sa première période glam rock, Bowie devint l’un des premiers artistes blancs à jouer au « Soul Train », une émission de télé très populaire dans la communauté noire.

La période soul de Bowie n’était pas une lubie soudaine du chanteur. « C’est la musique noire américaine, comme Little Richard et John Coltrane dans les années 1950, qui m’a vraiment poussé à faire de la musique et à écrire », expliquait-il en 1993 lors d’une interview à Record Collector. Autre signe que la couleur de peau importait peu à « Ziggy Stardust », il s’était marié en 1992 avec Iman, une mannequin d’origine somalienne.

Lors d’une interview en 1993 accordée au talk-show Arsenio Hall, Bowie avait expliqué que la notoriété du couple leur épargnait les discours motivés par la haine, mais il avait également fait part de sa consternation quant au faible nombre de couples mixtes aux Etats-Unis, comparé à l’Europe, à l’époque.

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Beaucoup d’artistes noirs américains ont réagi à l’annonce de sa mort, comme le rappeur Kanye West qui a décrit Bowie comme une de ses principales sources d’inspiration.

Des zones d’ombre malgré tout

Seule ombre au tableau : les rapports ambigus qu’a entretenus Bowie avec le nazisme. Un an après son apparition au « Soul Train », Bowie a été arrêté à la frontière de l’Union soviétique et de la Pologne parce qu’il transportait une collection d’objets nazis. Son personnage de Great White Duke était inspiré des stéréotypes de la « race aryenne » et Bowie parlait de Hitler comme d’une rock star avant l’heure.

Bowie était péniblement revenu sur ses propos en expliquant que les drogues lui avaient fait perdre la tête. Il disait n’avoir jamais adhéré aux discours antisémites, mais avait admis avoir une fascination malsaine pour les nazis et leur recherche du Saint Graal en Angleterre. Son passage à Berlin à la fin des années 1970 a fini toutefois d’éloigner Bowie du fascisme.

C’est à cette époque que Bowie a écrit avec Iggy Pop le célèbre et controversé morceau « China Girl ». Les premières paroles de la chanson, « I’m a mess without my little China girl » (« Je ne suis rien sans ma petite Chinoise »), avaient été considérés comme une métaphore pour parler de l’héroïne. Mais la version de 1983 de ce morceau ne laissait aucune place au doute : Bowie parlait bien de la fascination des hommes blancs pour les femmes asiatiques. Il s’était par la suite justifié en expliquant qu’il s’amusait des clichés raciaux en les exagérant volontairement.

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