Christophe Giltay (Club RTL) : «La Messe de minuit intéresse les gens qui n’ont pas la foi»

Christophe Giltay et le pape François © RTL/Isopix
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

À cause de la pandémie du coronavirus, le journaliste ne commentera pas la Messe de minuit depuis Rome, cette année, mais depuis Bruxelles. Et l’événement est avancé à 19h30, sur Club RTL !

L’année sera exceptionnelle pour les catholiques également. La traditionnelle Messe de minuit, depuis Rome, se fera sans public, avec juste une assemblée restreinte, dans la Basilique Saint-Pierre, pandémie oblige. Pas de commentateurs non plus sur place, ils feront vivre le culte depuis leurs pays respectifs.

Pour Christophe Giltay, l’office de ce soir aura une saveur particulière puisque c’est la 20e année qu’il commente la cérémonie pour RTL-TVI… Depuis l’an 2000, le journaliste passait le réveillon au Vatican. Pour la petite histoire, les cabines de commentateurs se trouvent au-dessus de la nef, et il faut passer par le Palais apostolique, prendre l’ascenseur du pape et traverser notamment un hall, derrière la loggia du Pape… «C’est exceptionnel !», confie Christophe Giltay.

Dans son homélie, le Pape François reviendra évidemment sur cette année particulière. «Il en parle pratiquement tous les jours quand il communie», ajoute le journaliste.

Comment êtes-vous devenu le commentateur «attitré» de la Messe de minuit sur RTL ?

À RTL-TVI, on commente la messe depuis pratiquement le début, en 1987, grâce à la personnalité de Jean-Paul II qui était très médiatique et extrêmement forte. Dès qu’il faisait quelque chose, ça intéressait tout le monde. À l’époque, c’était le rédacteur en chef, Luc Herinckx (qui était également passé par La Libre Belgique, NDLR) qui s’en chargeait. En 2000, il vient me trouver en me disant, que ça fait très longtemps qu’il n’avait pas passé un Noël en famille et que si ça continuait, c’était la crise familiale assurée. Comme j’avais fait mes études chez les Jésuites et que j’avais fait du latin, je connaissais le fonctionnement d’une messe. Il m’a demandé de le remplacer. Ce milieu ne m’était pas étranger, et j’ai accepté.

Est-ce qu’il y a de différences de ton entre les trois papes que vous avez connus ?

Oui. Quand j’ai commencé (c’était sous le pape Jean-Paul II, NDLR), j’avais presque l’impression d’être dans les années 60… avec des journalistes italiens habillés en costume blanc 3 pièces, un peu à la Marcello Mastroianni. C’était très formel. Il y avait encore un cardinal qui faisait la prière avant la conférence de presse. En plus, la salle de presse de Radio Vatican n’a pas bougé depuis les années 60, mais par contre, ils sont très pointilleux au niveau de la technologie. Ça a un côté fascinant… La modernité est venue avec Benoit XVI. Il a mis la messe à 22h. C’était «à l’allemande». On recevait un planning de la cérémonie, et on respectait le timing. Son côté plus particulier, c’est qu’il adore la musique et la messe était presque un concert de musique classique. C’était brillant. Ça me rappelait les messes de mon enfance. Avec François, c’est plus moderne et plus sobre. La messe débute normalement à 21h30 (ndlr : cette année, elle est avancée à 19h30 pour respecter le couvre-feu), elle dure 1h30, et à 23h, tout le monde rentre chez soi… C’est plus cool mais tout aussi fort. C’est un vrai spectacle. C’est tout autant intéressant pour les personnes qui n’ont pas la foi.

C’est original de diffuser une messe sur une chaîne privée ?

Pas forcément ! Dans le cas de RTL, ce n’est pas une obligation, c’est un choix. Là, on est bien d’accord, mais TF1 la diffuse aussi (sur TMC, NDLR). C’est un événement exceptionnel et traditionnel qui a sa place sur une chaîne privée. Il y a des centaines de diffuseurs à travers le monde qui la retransmettent, et ça fait des centaines de millions de téléspectateurs. Autrefois, RTL-TVI diffusait aussi des messes qui avaient lieu en Wallonie. Pour une chaîne privée ou publique, c’est un incontournable de la nuit de Noël, que ce soit une messe depuis Rome, ou depuis Notre-Dame de Paris, ou une autre ville. La différence avec Club RTL, c’est que nous la diffusons, en direct. La plupart des autres télévisions la passent toujours à minuit par tradition, mais en léger différé. Le vrai nom, ce n’est pas «Messe de minuit», mais «Messe de veillée de Noël», et pas mal de paroisses chez nous font cette messe à 18h30 ou 19h, parce qu’avant, on ne pouvait pas réveillonner avant la messe… On devait y assister à jeun pour pouvoir communier.

Cette année, elle aura un caractère très important puisque peu de paroissiens vont se rendre à leur office habituel ?

C’est possible, et que ce soit d’ailleurs sur Club RTL ou ailleurs. Les catholiques pratiquants sont clairement en manque. Je pense qu’effectivement, il y aura plus de gens devant leur télévision. Mais malgré cela, il y a un public fidèle qui regarde le programme, et à ma grande surprise, des gens m’en parlent. C’est un socle solide de fidèles.

À l’inverse de la RTBF où ce sont des religieux qui commentent, vous, vous êtes journaliste. Il y a une différence dans le commentaire ?

Non, j’ai commenté de nombreuses célébrations depuis le Vatican. Pour ces événements, je suis généralement accompagné de Tommy Scholtès, qui est le porte-parole des Evêques de Belgique. Dans ce cas-là, c’est lui qui prend en charge la partie purement religieuse de l’événement. Ici, je suis seul, mais ce n’est pas très compliqué, il suffit juste de traduire les textes au public. J’ai avec moi un missel en langue française et livret officiel du service de presse du Vatican. Je lis la version française. Par contre, je ne me lance pas sur des interprétations des prières, mais j’apporte des éléments journalistiques sur la célébration, comme par exemple l’origine des Gardes suisses, la musique, le rituel,… Je la commente vraiment comme un reportage. Je donne aux croyants ce dont ils ont besoin pour suivre la messe, et j’apporte des points de repère et des éléments informatifs pour que les autres comprennent.

Il faut être croyant pour commenter la Messe de Noël ?

Joker ! (rires) Je ne suis pas sûr qu’il faille être croyant. C’est très personnel… Je dirais qu’il faut tout de même comprendre ce qui se passe. Ayant étudié dans un milieu religieux, je suis dans un univers que je connais, je le comprends et je le partage. C’est comme être un journaliste spécialiste de la politique américaine, parce qu’il a étudié là-bas.

Il y a quelqu’un qui pourrait vous succéder ?

On verra… Personne n’est irremplaçable, et moi-même, j’ai remplacé quelqu’un. Ce qui pourrait arriver, c’est avec la crise du coronavirus, comme on ne fait pas le voyage jusqu’à Rome, cette année, RTL décide d’arrêter d’envoyer un commentateur sur place et de rester à Bruxelles… Comme toujours dans le journalisme, c’est mieux d’être sur place. S’il fallait trouver un remplaçant, ça ne poserait sans doute pas de problème au sein de la rédaction. Les journalistes passent, la Messe de Minuit survit… C’est une institution qui a plus de 2000 ans, je ne m’inquiète pas sur son avenir. Et même si demain, ça devait s’arrêter, je n’aurais qu’une chose à dire, c’est «Merci pour ces années extraordinaires !».

C’est plus facile de commenter un match de foot, que la messe…

Pas sûr… j’aurais beaucoup de mal à commenter un match de foot.

Comment vit-on un réveillon seul à Rome ?

Ce n’est pas donné à tout le monde le faire ! À l’époque de Jean-Paul II où la célébration se terminait à 2h30 du matin, il fallait manger vite-fait avant dans son hôtel… Maintenant, la messe s’achève vers 23h, on trouve encore des restaurants ouverts. Les repas de Noël en Italie, c’est quelque chose d’extraordinaire, je vous assure…

Vous avez rencontré le Pape ?

Deux fois, le Pape François. La première fois lors des JMJ (Journées Mondiales de la Jeunesse, NDLR) en Pologne à Cracovie, c’était dans l’avion du pape. Il est venu nous saluer et il a discuté un peu avec nous. Il parle un peu le français.

La deuxième, c’était juste après la Messe, en revenant des cabines de commentateurs, il nous attendait dans le couloir où se trouve sa loggia, pour nous remercier. J’ai pu échanger quelques mots avec lui.

Entretien : Pierre Bertinchamps

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