Christian Loiseau (BeTV) : «La télé a connu une telle révolution en quinze ans !»

Christian Loiseau © Isopix
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

Quinze ans après la naissance de BeTV, le marché de la télévision à péage a bien changé. Le directeur de la chaîne belge fait le point.

C’était le 29 octobre 2004 que BeTV voyait le jour, sur les cendres de Canal+ Belgique. La nouvelle chaîne à péage était sortie du giron de Vivendi pour de nouvelles aventures dans un consortium 100% belge composé des cablopérateurs wallons, de Deficom et de SOCOFE. Quinze ans plus tard, BeTV fait partie du groupe Nethys, aux côtés de VOO. Depuis 2017, elle n’est plus une exclusivité du câble.

Qu’est-ce qui a marqué ces 15 années de BeTV ?

Il y a eu pas mal événements en 15 ans. Le marché a connu une telle révolution. Tout s’est accéléré avec la démultiplication des chaînes. On a doublé aussi le nombre de nos canaux. En parallèle, il y a une explosion des contenus. Il n’y a jamais eu autant de programmes disponibles que ce soit en fiction, en documentaire, en news, en directs sportifs,… Sur ces 15 dernières années, la haute définition est apparue, et on peut regarder la télé où on veut, avec la démultiplication des écrans aussi. Je pense qu’il n’y a eu qu’un seul échec, c’est la 3D.

Lors du lancement de BeTV – chaîne linéaire à péage –, vous sentiez l’arrivée des plateformes SVOD ?

Avant l’histoire de BeTV, j’étais journaliste et je faisais une émission économique («CCP» sur Canal+ Belgique, NDLR). J’avais fait un sujet sur Belgacom où ils avaient travaillé sur la VOD qui n’avait pas encore été lancée en Belgique. Techniquement, on était prêts mais le projet avait été mis au placard. C’était dans les années 90. Les distributeurs s’y préparaient.

À côté de ces catalogues SVOD (BeTV Go, Netflix, Disney+), est-ce que ça a encore un sens d’avoir une chaîne à péage ?

Oui, parce qu’on ne force pas le public à fonctionner différemment. Plus de 50% de nos abonnés regardent encore la chaîne linéaire. C’est toujours important pour eux d’avoir des rendez-vous fixes à la télévision. Et puis, il y a toujours des familles où on regarde la télé ensemble. Tout le monde n’évolue pas aussi vite que son voisin. BeTV a la possibilité d’offrir les deux. En revanche, nous investissons beaucoup plus dans nos plateformes SVOD et on enrichit le catalogue. Par exemple, quand BeTV propose une nouvelle saison d’une série, on essaie de mettre les autres saisons sur BeTV Go pour permettre du rattrapage. On ne pourrait pas le faire en linéaire. Nous essayons de répondre aux attentes des abonnés et proposer un maximum de confort aux gens.

Et proposer des programmes en avant-première sur la plateforme comme le font ARTE et France Télévisions ?

Il y a une question de droits derrière qui est complexe. On ne produit pas tout nous-mêmes. C’est plus facile pour des chaînes comme HBO qui produisent elles-mêmes des séries de décider si on les place d’abord sur un média plutôt qu’un autre. Dans le cas des coproductions, on peut le négocier.

Comment arrivez-vous à capter les jeunes générations ?

À BeTV, on capte les gens, quel que soit leur âge, sur la qualité du contenu pas avec des programmes spécifiques. Le meilleur exemple, c’est la série «Chernobyl» qui a été un succès inattendu et qui a intéressé toutes les générations de par l’histoire ou la problématique environnementale.

Le futur, vous le voyez comment ?

Je ne pense pas que la télévision linéaire va disparaître. Jamais un mode de consommation n’en a tué un autre. Jamais un média n’en a fait disparaître un autre… D’un point de vue économique, ça n’a pas d’intérêt de supprimer les chaînes linéaires. Ce qui coûte c’est le contenu. La technique est là de toute façon. Arrêter des canaux de diffusions comme la télévision ne permet pas de faire d’économies. En plus, pour une télévision en clair, ce serait perdre une manne publicitaire non négligeable. BeTV ne vit pas des rentrées commerciales mais des abonnements. On pourrait se dire «le public ira là où on l’y conduit». Ça ne marche pas comme ça, notre public veut les deux. Il n’y a pas de plan ni de projet pour supprimer la télévision linéaire, chez nous !

Le marché de la SVOD risque d’exploser en 2020 notamment avec l’arrivée de Disney+…

Il n’y a jamais eu autant de contenu disponible… Rien qu’à Hollywood, il y a 550 à 600 séries produites par an. On ne pourrait même pas tout mettre sur BeTV, on devrait démultiplier les chaînes à l’infini. Personne ne regarderait 5% de ce qu’on leur offrirait. Ça n’aurait donc pas de sens. Et le consommateur ne s’y retrouverait même plus ! Et puis, quelle série mettre en avant quand on a un catalogue de 600 titres. Chacun doit avoir ses propres choix éditoriaux. C’est ce qu’on fait à BeTV, et on essaie d’équilibrer les genres pour satisfaire un maximum de nos abonnés. Notre métier est d’aller chercher ce qui est pertinent sans être trop mainstream non plus. Une plateforme comme Disney+ ne sera pas aussi généraliste. À côté de Disney, il y aura 22 chaînes jeunesse déjà disponibles sur le marché francophone. L’abonné à BeTV sait que notre boulot, c’est de lui dénicher les nouveautés, le meilleur de chaque studio ou chaque distributeur,…

Et concernant les prix pour toutes ces offres ?

C’est l’enjeu commercial. On doit rester attractifs aussi. On l’a déjà fait chez nous en scindant l’offre sport et la fiction.

BeTV ferait partie d’un Netflix à la francophone comme Salto ?

Ce qui se fait en France est remarquable, ils arrivent à s’entendre entre chaînes en clair.  La force de la France est qu’ils ont beaucoup de contenus et ils produisent beaucoup. C’est moins le cas chez nous. L’exemple belge pourrait être intéressant pour les chaînes en clair. Ce serait compliqué pour une chaîne à péage de s’y greffer et trouver un point commun entre du ‘gratuit’ et du ‘payant’. Nous sommes ouverts à toutes les discussions. BeTV collabore déjà avec les autres chaînes du marché belge dans plein de domaines.

Entretien : Pierre Bertinchamps

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