Camille Goudeau : «80 % de gens souffrent en silence»
Dans le téléfilm inédit «Droit de regard» (ce mercredi à 21h10 sur France 2), l’actrice et romancière Camille Goudeau incarne Alexandra, une jeune maman atteinte de cécité progressive.
Est-ce un hasard si dans votre premier film, le court métrage «Blind Sex» (2018), vous jouez le rôle d’une aveugle, et dans ce téléfilm, celui d’une personne qui perd la vue ?
Les deux sont liés. Depuis ma naissance, je suis atteinte d’une très légère déficience visuelle qui ne m’empêche pas de vivre normalement. J’avais été choisie pour tourner dans «Blind Sex» par une personne qui connaissait cette gêne visuelle. Grâce à ce film, une agence m’a contactée pour jouer dans «Droit de regard».
La détérioration progressive de la vision d’Alexandra est-elle crédible ?
Oui le scénario a été coécrit par la juriste Anne-Sarah Kertudo, qui a elle-même perdu la vue de la même façon. Ce téléfilm mélange la fiction et sa propre histoire.
Vous sentez-vous concernée par ce handicap ?
Oui, forcément, parce que j’ai grandi avec un statut d’enfant handicapé rattaché à un institut spécialisé pour les jeunes malvoyants et malentendants. Très tôt, on m’a collé cette étiquette sur le front. Arrivée à l’âge adulte, mon premier désir était de fuir cette image d’handicapée. Aujourd’hui, en France, il y a 80 % de personnes qui souffrent en silence d’un handicap invisible. Je pense qu’à partir du moment où on dit souffrir d’un handicap, on remet en doute nos capacités. Les gens ne nous font plus confiance. C’est l’histoire d’Alexandra qui constate que son entourage remet en cause sa faculté à s’occuper de ses enfants. À commencer par son mari qui veut récupérer leur garde.
Pensez-vous que la société s’occupe suffisamment des personnes en situation de handicap ?
Sûrement pas ! La population de personnes handicapées est la plus invisible. On la considère comme une minorité alors qu’elle représente un pourcentage non négligeable. Et le vocabulaire utilisé autour du handicap n’est pas adapté car les handicapés étant inexistants dans l’espace public, ces mots n’ont pas été créés par et pour les personnes concernées.
Vous êtes actrice, mais aussi écrivaine et surtout bouquiniste. Qu’est-ce qui vous passionne dans ce métier ?
Tout d’abord la littérature. On adore ou on déteste ce métier de rue très lié à la météo du jour. L’ambiance sur les quais, l’humeur générale de la foule, la relation avec le client dépendent de la couleur du ciel. Comme j’ai grandi à la campagne, ce job me convient car j’aime passer mes journées à l’air libre. Il m’évite aussi les rapports hiérarchiques. J’aime être indépendante et n’avoir aucun compte à rendre à personne. Ce métier me permet aussi de donner aux gens un accès à la lecture plus facile et moins cher.
Les gens achètent-ils encore des livres ?
Oh oui. L’idée qu’on ne lise plus de livres est complètement fausse. Sur les quais, il y a toujours du monde. Mais ce qui me réjouit et me rassure le plus, c’est de constater que les jeunes sont de plus en plus nombreux à acheter des livres chez les bouquinistes.
Cet article est paru dans le Télépro du 25/1/2024
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