Bécassine, 116 ans et toujours «in» !

La version 2018 au cinéma voit Émeline Bayart camper la Provinciale un brin naïve engagée à Paris comme nounou © RTBF/Scope Pictures
Alice Kriescher Journaliste

Inédite lundi à 20h20 sur La Une : la version 2018 au cinéma des aventures d’un des plus célèbres personnages de BD françaises !

Il était une fois… Bécassine, une brave et jeune bonne née dans une modeste ferme bretonne et rêvant de rejoindre Paris une fois adulte. Créée au début des années 1900 par la scénariste Jacqueline Rivière et le dessinateur Émile-Joseph-Porphyre Pinchon, la célèbre servante apparaît sous les traits d’Émeline Bayart dans le film «Bécassine», adapté de la bande dessinée par Bruno Podalydès (2018). Retour sur la création d’une des stars du 9e art.

Naissance d’un mythe

Bécassine apparaît pour la première fois dans le n°1 d’un hebdo destiné aux jeunes filles, La Semaine de Suzette, en février 1905. La légende raconte que sa naissance est due à une page blanche. Un auteur étant malade, un espace vide du nouveau magazine à paraître reste à combler.

La rédactrice en chef, Jacqueline Rivière, griffonne alors à la hâte une histoire mettant en scène Bécassine, en s’inspirant d’une gaffe commise par sa domestique… Le dessinateur Pinchon dément néanmoins cette version par la suite, en assurant que les créateurs de La Semaine de Suzette lui avaient demandé, dès 1904, d’imaginer une histoire autour d’une servante de province débarquée à Paris. Quoi qu’il en soit, Bécassine disparaît dès le n°2 du magazine. C’est sous l’insistance des lectrices, qui ont adoré la première aventure, qu’elle réintègre le journal six mois plus tard !

Femme libérée

Si le nom de Bécassine est d’abord choisi en référence à la sottise dont peut faire preuve l’héroïne, à partir de 1913, elle est dotée d’une vraie identité : Annaïk Labornez. Rapidement, la bande dessinée devient précurseur à bien des titres.

Du point de vue technique, pour représenter la bonne de province, Pinchon ne lui accorde pas de bouche et un visage très simple : un trait de crayon vif et rond qui inspirera le graphisme de la célèbre «ligne claire», dont Hergé sera le plus grand représentant vingt ans plus tard avec Tintin.

La personnalité de Bécassine est aussi d’une grande modernité pour le début du XXe siècle. «C’est un personnage féminin complètement émancipé, qui fait des choses impressionnantes pour son époque : elle conduit, prend l’avion, fait de la moto, de la résistance…», détaille, sur le site de BFM, le dessinateur Béja, auteur, avec le scénariste Éric Corbeyran, des albums «Les Vacances de Bécassine» et «Bécassine baby-sitter».

Comme son personnage, le contexte social décrit dans la BD trouve encore écho aujourd’hui. «La description sociale est assez fine», poursuit Béja. «Si on y regarde bien, elle est toujours vraie. Quelque chose est resté dans notre société de cette opposition entre gens des villes et gens des campagnes.»

Héroïne polémique

Les origines de Bécassine, d’abord picardes sous Jacqueline Rivière, puis finistériennes lorsque Maurice Languereau, dit Caumery, reprend le scénario, sont régulièrement sources de polémiques. En cause, la servante au caractère parfois naïf serait vecteur de stéréotypes négatifs à l’encontre des Bretons.

En 1940, alors que Pierre Caron sort un film dont elle est l’héroïne, des autonomistes détruisent à coup de marteau la statue de Bécassine du musée Grévin. À la fin des années 1970, quand Chantal Goya sort son tube «Bécassine, c’est ma cousine», le guitariste originaire de Quimper, Dan Ar Braz, contre-attaque en créant «Bécassine, ce n’est pas ma cousine».

La sortie du film de Bruno Podalydès, en 2018, ne fait pas exception : le collectif indépendantiste Dispac’h («Révolution» en breton) appelle à son boycott. Un communiqué qualifie le film de «pseudo-comédie française potache et soi-disant populaire, qui en dit long sur l’insulte en termes d’identité et de mémoire qu’il adresse aux femmes et à la Bretagne».

Ce à quoi Podalydès répond : «Bécassine (…) est naïve, certes, et candide, mais aussi curieuse et inventive. Elle a une âme d’enfant dans un corps d’adulte. J’ai voulu la montrer telle qu’elle est : fidèle, sincère, spontanée, innocente, tendre, rêveuse, enthousiaste».

Pari réussi ? À vous de juger !

Cet article est paru dans le Télépro du 15/7/2021

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