Bastien Bouillon : «Le XXIe siècle est paranoïaque !»

Le comédien, récemment césarisé pour «La Nuit du 12», donne vie au cauchemar de Guy de Maupassant © Arte/Jérôme Prébois

Connu du grand public pour «Le Mystère Henri Pick» et «La Nuit du 12», qui lui a valu un César, l’acteur français de 38 ans fascine dans «Le Horla», adaptation moderne du récit fantastique de Maupassant, à voir ce vendredi à 20h55 sur Arte.

Damien (Bastien Bouillon), son épouse et leur fille quittent le bouillonnant Paris pour s’installer à Tours. L’homme s’y ennuie, passant son temps devant les écrans. Il pressent alors des dangers autour de lui… Cet «Horla» (figure du double négatif sommeillant en chacun de nous) pointe les effets néfastes de notre époque : l’isolement, l’enfermement et le distanciel.

Le registre de la folie présumée est-il le plus intense pour un comédien ?

Il est surtout passionnant. Pour jouer le début d’une schizophrénie chez Damien, j’ai puisé dans mon propre état de fatigue, accentué par les nécessités d’un tournage télé qui a duré quarante jours. Toute personne épuisée peut vite sombrer dans l’anxiété et le manque de discernement. La réalisatrice Marion Desseigne-Ravel a ajouté des bruits afin que le spectateur entende les mêmes sons que le personnage, se sente en empathie avec lui, s’angoisse en même temps et ne le prenne pas pour un énergumène.

Vous exprimez aussi les émotions de Damien avec les regards et la gestuelle…

J’ai eu beaucoup de liberté pour m’en servir car les sons, ajoutés ensuite, ont suivi mes postures. Cette harmonie permet de vraiment embarquer le public dans le suspense et le pousse à craindre ce qui va se passer ! Selon chaque rôle, je choisis mes «outils». Dans «La Nuit du 12», j’ai baissé la voix de quelques tons.

Transposer «Le Horla» du XIXe au XXIe siècle a-t-il ôté une certaine force à ce récit fantastique ?

Non, au contraire. Quand le héros pense qu’un ami prend le contrôle de son ordinateur, ça crée de la paranoïa. C’est quasi fantomatique. Le scénario habile éveille en nous une inquiétude contemporaine ! On a connu cela, décuplé, durant le confinement.

Vous jouez dans des téléfilms, courts et longs métrages. Votre César du Meilleur espoir masculin, en mars dernier, vous a-t-il apaisé quant à ce métier précaire ?

Cela apporte le luxe du choix. Auparavant, je disais déjà non à des projets qui, sincèrement, ne m’inspiraient pas, mais je me retrouvais sans travail. J’ai trois enfants, je ne suis pas propriétaire de mon appart’. C’est très dur ! Aujourd’hui, j’ai un petit matelas plus confortable. Je vais tourner «Le Comte de Monte-Cristo» avec Pierre Niney et «Aznavour» avec Tahar Rahim.

Le monde du 7e art vous semble-t-il encore versatile et aléatoire ?

Oui, il y a beaucoup de hasards. Parfois, vous êtes tributaire du «bon moment». Mon ami Bouli Lanners, également césarisé pour «La Nuit du 12», a eu le rôle car Denis Ménochet, initialement prévu, n’était pas disponible. Mais tout cela n’enlève pas leur talent aux acteurs !

Cet article est paru dans le Télépro du 25/5/2023

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