«Apostrophes» ressuscité sur France 2 !

«Apostrophes» ressuscité sur France 2 !
Julien Vandevenne
Julien Vandevenne Rédacteur en chef adjoint

Ce vendredi 6 novembre à 22h35, un documentaire rend hommage à la cultissime émission littéraire de Bernard Pivot.

De 1975 à 1990 sur la chaîne qui s’appelait alors Antenne 2, Bernard Pivot a proposé, chaque vendredi, «Apostrophes», une émission consacrée à l’actualité littéraire et aux écrivains.

Vingt-cinq ans plus tard, pour en ressusciter les grandes heures et les rencontres historiques, Pierre Assouline a composé un florilège des meilleurs extraits, présenté sous forme d’abécédaire et commenté par son animateur historique.

Aron, Yourcenar, Gary et les autres

«J’ai toujours aimé mélanger sur le plateau des gens qui n’avaient aucune chance de se rencontrer», explique Pivot. Les quinze années d’actualité littéraire couvertes par «Apostrophes» (du 10 janvier 1975 au 22 juin 1990) auront largement permis à Bernard Pivot de réaliser ce souhait.

Grâce à l’abécédaire ciselé par Pierre Assouline, la fine fleur de la littérature française, et parfois étrangère, se rappelle à notre mémoire au travers d’extraits délicatement assemblés. Impossible et inutile de chercher à citer tous ces noms célèbres, dont beaucoup sont hélas aujourd’hui disparus : de Jean-Paul Aron à Marguerite Yourcenar, la liste serait trop longue. Ecrivains bien sûr, mais aussi figures politiques, du spectacle et même du sport sont venus parler de leurs livres, et, surtout, d’eux-mêmes.


Les vendredis d’Apostrophes: teaser par france2

Même Mitterrand y est passé

L’émission, introduite par les notes de piano de Rachmaninov, avait pour but initial d’inviter des auteurs à parler, en direct, de leur dernier livre. Très vite, elle dope les ventes – avec le risque, en cas de retombées négatives, de les ruiner.

Des numéros spéciaux sont consacrés aux plus prestigieux écrivains (Jouhandeau, Nabokov, Green…), et la popularité d’«Apostrophes» atteint des sommets. Au point qu’on s’est même demandé si le numéro dans lequel François Mitterrand parle de «La Paille et le grain», diffusé quelques mois après son échec à la présidentielle de 1974, aurait pu inverser le résultat du scrutin s’il avait été diffusé avant. Et dire que les toutes premières émissions n’ont pas même été enregistrées !

Alcool et cigarettes

Pivot anime, mais sans ostentation : «Parfois, il faut savoir ne pas intervenir», une phrase sur laquelle on pourrait parfois aujourd’hui méditer. Du coup, le débat s’installe entre les invités, riche, spirituel, vif. La polémique, quelquefois, surgit. Entre écrivains et critiques littéraires, mais surtout entre écrivains, encore plus féroces les uns avec les autres !

On passe près du scandale sur des écrits à tendance pédophile, ou lors d’émissions devenues célèbres comme celle où l’Américain Bukowski noie ses paroles dans le sancerre (il n’a d’ailleurs pas été le seul à boire durant «Apostrophes», un magazine où l’on fume aussi énormément !).


Bukowski, Charles – Apostrophes4 par maceopanam

Propos choc

Pivot, qui se définit comme un «gratteur de tête», s’amuse, et nous également. Notamment quand on l’observe écouter, sérieux comme un pape, Elisabeth Badinter lire du Sade à l’antenne ! Ou quand il confie la fascination exercée sur lui par Jane Fonda (son brushing, peut-être ?), invitée en 1985, qui lui fait négliger les autres invités.

Et encore quand Pierre Desproges, en 1983, traite les chauffeurs de taxis de «despotes à roulettes» et explique ainsi son aversion envers les coiffeurs : «J’ai horreur qu’on me tripote la tête par-derrière en me racontant des conneries dans le dos.»

Quant aux nouveaux philosophes, à qui un numéro est consacré, ils ne le sont pas vraiment en plateau. Mais comme le rappelle Vladimir Jankélévitch, en 1980, «la contestation est l’essence même de la philosophie». Alors…

Toute une époque !

Les 90 minutes que dure ce retour sur «Apostrophes» sont ainsi parsemées de moments drôles, stupéfiants ou émouvants. Bernard Pivot rappelle à chaque fois le contexte de l’époque, et livre quelques anecdotes complémentaires essentielles pour en goûter tout le sel.

Et le plaisir de réentendre Françoise Sagan, Marguerite Duras, Pierre Bourdieu ou Vladimir Nabokov est agréablement pimenté par des apparitions plus insolites, comme celles de Kirk Douglas, Georges Marchais… et même Mohammed Ali !

Pierre-André Orillard

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