Angy Sciacqua (Eurovision 2024) : «C’est une fierté que mon titre plaise au Luxembourg»

Finaliste de «The Voice Belgique» il y a dix ans, Angy se présente, avec Rafa Ela, à la sélection luxembourgeoise pour l’Eurovision.

Trente ans après avoir claqué la porte du Concours Eurovision de la chanson, le Luxembourg fait son grand retour dans la compétition, et il ne fait pas les choses à moitié. Pour choisir sa chanson, notre voisin organise une grande soirée où 8 artistes ou formations vont tenter de décrocher le ticket pour Malmö, en mai prochain, dans une sélection publique télévisée.

La chanteuse liégeoise Angy Sciacqua tente sa chance avec une artiste du Grand-Duché, Rafaela Teixeira Fernandes (Rafa Ela). Un duo créé pour l’occasion qui compte bien marquer les esprits des téléspectateurs luxembourgeois, samedi soir, sur RTL Lëtzebuerg !

Angy, comment s’est faite la rencontre avec Rafa Ela ?

On ne se connaissait pas du tout. C’est la production qui a proposé de créer le duo. Dans un premier temps, j’avais présenté ma chanson et on m’a demandé de la chanter avec quelqu’un d’autre. Au départ, je ne devais pas l’interpréter avec Rafa Ela mais une autre candidate de la sélection, Krick. Le premier casting s’est déroulé avec elle. Ensuite, on m’a proposé de la tester avec d’autres chanteuses. Au total, j’ai fait cinq essais avec d’autres voix, et au final, c’est Rafa Ela. On se connaît depuis un peu plus d’un mois. On travaille tous les jours et on se parle tous les jours. On est presque devenues des vieilles copines !

Qu’est-ce qui matche entre vous ?

Angy : C’est un ensemble. Pour l’histoire, on s’est rencontrées 20 minutes avant le casting de RTL. Rafa Ela a reçu le titre, la veille, et on s’est mis d’accord quelques minutes avant de passer… Ce qui matche, c’est la voix, l’attitude et sur scène, on se comprend rien qu’en se regardant. C’est ce qui a plu au jury, je pense.

Rafa Ela : C’était instantané, comme un déclic. On avait l’espoir que le jury le remarque, et au final, ça a bien fonctionné et le duo leur a plu. Tout est naturel entre nous, rien n’est forcé. Qu’importe ce qui va se passer, on restera des amies et on réfléchit à des projets.

Comment est né le titre «Drop» ?

Angy : Je l’ai composé avec mon équipe qui vient de Norvège. Ça fait deux ans que nous travaillons dessus. Il a été composé pour potentiellement le présenter à l’Eurovision, et le titre est prêt depuis plus d’un an. En mai dernier, lorsque je regardais l’Eurovision à la télé, tout était déjà prêt. Je l’ai d’abord proposé à la Belgique, mais la RTBF m’a répondu que le choix de l’artiste avait déjà été fait. Pour la petite anecdote, ce n’est pas moi qui me suis inscrite au casting luxembourgeois, c’est mon époux. Il a envoyé ma chanson sans rien me dire. Ce n’est que lorsque que j’ai reçu le mail d’Éric Lehmann (chef de la délégation luxembourgeoise à l’Eurovision, NDLR) que je me suis rendu compte que j’allais tenter de faire l’Eurovision.

C’est un peu une «revanche» par rapport à une participation pour la Belgique ?

Angy : Pas encore ! Là, je ne suis encore nulle part. Le fait d’avoir été sélectionnée dans un moment historique où le pays revient après trente ans, c’est une fierté et une petite réussite que mon titre ait plu pour les représenter.

Rafa Ela, vous n’étiez pas née lorsque RTL a décidé de se retirer de la compétition (en 1994). L’Eurovision représente quoi pour vous ?

J’ai 27 ans, et je n’ai jamais vu le Luxembourg à l’Eurovision de mes propres yeux ! À la maison, c’est une tradition de le regarder, et je n’en ai jamais raté un seul ! Même sans mon pays. Je sais qu’on a gagné cinq trophées. Ce sont mes grands-parents qui m’ont transmis le virus. Ils voulaient soutenir le Portugal, pays de mes origines. Bien sûr, j’aurais pu postuler pour le Portugal, mais j’ai toujours eu l’espoir que le Luxembourg allait revenir. C’est ici que je suis née, et c’est le pays qui a accueilli ma famille. Au moment où Loreen a gagné avec «Tattoo», en mai dernier, ils ont annoncé que le Luxembourg serait là, en 2024. Pour moi, c’était la fête. J’avais promis à mes proches que si le Grand-Duché revenait dans la compétition, je tenterais d’y participer. Là, c’est «mon» moment. (Rires). C’est un rêve de petite fille qui se réalise. Malheureusement mes grands-parents ne sont plus là pour me voir, mais ils vont me soutenir d’en haut, c’est certain…

Et pour vous Angy, c’est aussi un rêve ?

Oui, et je n’aurais jamais imaginé faire partie de ce processus de sélection. À ce stade, c’est un demi-rêve… La chanson a été écrite dans un moment de vie où je n’étais pas au top. La musique est une façon de m’exprimer et de puiser dans mes forces pour me donner du courage. La chanter dans ce contexte et qu’elle soit arrivée jusque-là, c’est une put… de grande fierté !

Qu’est-ce qu’elle a de plus que ses concurrentes ?

Angy : C’est compliqué parce que toutes les chansons ont leur propre message et un univers particulier. La nôtre se différencie par le tempo et le message. C’est ma composition, donc je ne suis pas objective, mais c’est la chanson idéale de l’Eurovision ! Les autres titres ont tous leurs chances, ils ne sont pas en finale par hasard…

Rafa Ela : Ce n’est pas ma chanson, et on me l’a proposée. Jamais je n’aurais accepté de chanter un morceau qui ne me convenait pas. Ici, je m’identifie à la chanson et je suis fière de l’interpréter. Je connais l’Eurovision depuis toute petite, et je voulais vraiment quelque chose qui me permette de transmettre un message. Je veux toucher les gens, et avec «Drop», tout le monde peut s’y retrouver. Mon passé a aussi été difficile. Le message m’a directement accrochée, et j’ai tout de suite accepté le projet. C’est un message universel qui donne de la force. On laisse le passé derrière soi, on se relève et on avance.

Angy, vous avez participé à «The Voice Belgique», il y a plus de dix ans. Votre parcours, depuis la sortie du programme, est tel que vous l’espériez ?

Déçue ? Jamais, je suis toujours fière de ce que je fais. Après «The Voice», j’ai sorti un album. Là, j’ai des titres en préparation et d’autres projets musicaux en cours. Je ne suis pas déçue parce que ça fait partie du processus. Je pense que depuis 2013, j’ai bien évolué et je vais continuer dans cette direction. J’aime chanter et j’aime la scène. C’est ce qui compte au final. Bien sûr, nous sommes en demande de reconnaissance, mais le monde de la musique – surtout en Belgique –  est ce qu’il est. Si j’avais voulu absolument être reconnue partout, j’aurais été influenceuse.

Rafa Ela, est-ce difficile pour un artiste luxembourgeois de se faire connaître ?

Malheureusement oui… Je chante depuis que je suis petite. J’étais dans une chorale au lycée. En 2016, j’ai gagné la première édition de «Luxembourg Next Popstar» et deux ans plus tard, j’ai remporté «Top Voice Luxembourg». Il existe des choses ici, mais l’industrie musicale est encore très petite, et c’est difficile de se faire connaître à l’international. Pourtant, vous verrez dans la sélection nationale qu’il y a plein de talents au Luxembourg. Et je pense que l’Eurovision va permettre de booster notre industrie et de faire connaître au monde les talents qui existent dans notre petit pays.

Pourquoi ne pas chanter en français ?

Angy : La chanson a été écrite en anglais, même si je chante aussi en français et en italien. L’anglais est une langue universelle et elle passe les frontières plus facilement.

Rafa Ela : Il ne faut pas oublier que l’allemand est aussi une langue officielle du Luxembourg, il n’y a pas que le français. Il semblerait que personne n’a postulé à l’Eurovision avec un titre en allemand… L’anglais est un bon compromis.

Quelle est votre chanson de l’Eurovision préférée ?

Angy : Il faut savoir que Rafa Ela n’a pas de chanson préférée de l’Eurovision. Elle aime tout ! Elle a une playlist de l’Eurovision sur son téléphone. (rires). Ma chanson préférée, c’est «Tattoo»  de Loreen (Suède en 2023). Elle est magnifique. Il y a aussi Conchita Wurst («Rise like a Phenix» – 2014). Le vocal et les notes sont importants.

Rafa Ela : Chaque année, j’ajoute dans ma playlist Spotify des chansons de l’Eurovision. Quand je suis devant la télé, il y a quelque chose qui doit m’émouvoir dans une participation. Peu importe si c’est un slow ou un titre plus rythmé. Je doit être touchée… J’ai bien aimé, en 2005, «My Number One» (Helena Paprizou pour la Grèce, NDLR) ou «Arcade» (Duncan Laurence, en 2019, pour les Pays-Bas, NDLR) et «Soldi» (Mahmood, 2019, Italie). Je peux aussi vous citer Equinox pour la Bulgarie ou «Fuego» pour Chypre…

Et pas la chanson portugaise de Salvador Sobral («Amar Pelos Dois») qui a remporté l’Eurovision en 2017 ?

Je ne l’aurais pas donnée gagnante et ce n’était pas ma préférée. C’était un peu controversé à cause de sa maladie qui l’a sans doute aidé à remporter le Grand Prix. Il y a eu d’autres chansons du Portugal qui montraient mieux nos racines. Je suis tout de même fière que le Portugal ait gagné en 2017…

> La sélection nationale luxembourgeoise pour l’Eurovision sera diffusée, en direct, et disponible en Belgique sur le site RTL.lu ou l’app RTL PLAY (à ne pas confondre avec l’autre app RTL play de RTL Belgium)

Interview : Pierre Bertinchamps