André Lamy : «Au départ, on ne pastichait pas la famille royale !»

André Lamy et son comparse Olivier Leborgne © RTL Belgium
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

«Votez pour moi», la capsule d’humour de Bel RTL, fête sa 2500e, ce jeudi.

150 voix, près de 10.000 sketches et 20.000 minutes d’antenne, ce sont les chiffres de «Votez pour moi» à l’aube de la 2500e qui sera diffusée, ce jeudi 20 mai à 8h15, sur Bel RTL. Et toute la journée, la station en fera écho dans toutes ses émissions.

Rencontre avec André Lamy.

2500 numéros, ça donne un coup de vieux ?

Non, c’est juste un étonnement d’être encore là après 14 ans. Je n’imaginais pas ça… Quand j’ai amené le projet à Jean-Jacques Deleeuw (directeur de Bel RTL de l’époque, NDLR) avec Dubus, on ne pensait pas rester si longtemps. La capsule a évolué avec le temps. Frédéric Dubus était plus pointu politiquement. C’est devenu plus ouvert avec Olivier Leborgne.

Vous avez lancé une mode en Belgique ?

En fait, je faisais ça à Paris quand je travaillais sur Europe 1, avec Philippe Gildas, fin des années 80. Puis il y a eu France Inter, NRJ et chez Arthur. Chez nous, on a eu les «Poupettes» (RTL-TVI) dans les années 90. J’ai toujours aimé me moquer des hommes politiques. Je ne trouvais pas normal qu’en 2006, Bel RTL diffusait la capsule de Laurent Gerra. Ce n’est pas une question de personne, mais c’était franco-français, alors qu’on pouvait très bien faire quelque chose de belge. Pour faire différent de Gerra qui était seul, j’ai eu l’idée du duo avec Dubus. Je savais qu’il avait envie de faire de la radio. Mais il n’y croyait pas trop au succès de «Votre pour moi» (rires)

Parce que la politique belge n’est pas assez riche ?

Non, c’est plutôt parce que c’est difficile d’être très efficace tous les jours. Fred est quelqu’un de très angoissé. Il ne pensait pas qu’on réussirait à faire les 20 premières capsules qu’on nous avait commandées. Et finalement, il est resté 3 ans.

Les Français ont beaucoup d’auteurs pour que ce soit bon tous les jours…

Au départ, c’était Fred et moi qui écrivions. Dubus s’est rendu compte qu’à deux, ça devenait compliqué, et on a fait appel à Xavier Diskeuve que Fred avait rencontré au Pan. Quand Olivier Leborgne est arrivé, on a commencé à multiplier les auteurs. Il y en a 4 attitrés, mais plein de gens se sont succédés.

Quelle est la période que vous avez préféré ?

Étant un malade de boulot, j’adorais les périodes où il y avait la radio le matin et la télé le soir. C’était à flux tendu tout le temps. On ne faisait pas en télé ce qui passait à la radio. On devait être en permanence sur le coup. Et c’était aussi crevant. Je le reconnais. Je me lève à 4h30 du matin pour la radio, et parfois, en télé, on terminait vers 19h. J’avais aussi des spectacles en plus à jouer. J’aime bien être occupé tout le temps.

C’est pour ça que la version télé s’est arrêtée ?

Non, je ne crois que ce soit la chaîne qui ne veuille pas le faire, c’est une question de budget avant tout. Il n’y a rien de politique derrière.

Et au niveau politique, quel moment était le plus savoureux à pasticher ?

J’ai bien aimé, au début, avec Dubus parce qu’il n’y avait pas de gouvernement. Tous les possibles étaient imaginables. Et il y a eu une 2e période sans gouvernement pas mal non plus… La période sanitaire aussi. Il y avait tellement de choses à faire et à dire, avec les absurdités des protocoles. On a toujours trouvé de quoi vivre sur ces 14 ans. On a prouvé qu’en Belgique, on a aussi de la matière pour faire de l’humour en radio. Le «Cactus» est arrivé 3 ans après nous, et il a joué sur la même veine en étant moins politique. Mais il y a de la place pour tous. Je suis content d’avoir pu insuffler en radio cette pratique de l’humour politique au quotidien.

Avez-vous déjà eu des ennuis après vos sketches ?

Non… On a parfois vexé un peu de monde, mais en général, ils reviennent. On a juste eu un petit problème avec Joëlle Milquet, mais elle est quand même venue fêter les 10 ans avec nous. On pratique la critique politique «à la belge», pas comme les Français à la sulfateuse. Nous, nous sommes plus doux, mais on dénonce quand même des choses.

Même 14 ans après ?

Par exemple, au début, on n’attaquait jamais la famille royale. C’était pareil dans la Revue des Galeries, on m’interdisait les sketches sur le Roi. Mais une fois que je suis parti, ils l’ont fait. Et parce que «Votez pour moi !» pastichait Albert II.

Vos spectacles s’inspirent de «Votez pour moi» ?

Pas spécialement, et au départ, mes imitations étaient des personnalités du music-hall, mais de plus en plus les gens me demandaient de faire Albert II, par exemple. C’est devenu presque que comme si Adamo ne chantait pas «Tombe la neige» dans un tour de chant.

C’est facile de se renouveler ?

C’est l’histoire de tous les imitateurs. Les personnages passent… À une époque, mon fer de lance, c’était François Mitterrand ou Jean-Paul II. Pour savoir de qui on va parler, on fait une réunion d’auteurs tous les matins. Les personnages viennent de moi ou d’Olivier Leborgne. Dans chaque histoire, il y a plein de personnages qui gravitent et on doit repérer ceux qui vont ressortir le plus. C’est parfois compliqué, et puis j’ai ma tessiture vocale. Je ne peux pas tout faire. Pour les femmes, j’ai un tas de problème. On est bloqué par les accents aussi. Ne pas être trop caricatural pour qu’ils ne se ressemblent pas.

Et pourquoi pas une imitatrice pour les voix de femmes ?

C’est mon rêve depuis 10 ans ! Quand Dubus est parti, j’ai pensé à une femme car j’avais déjà travaillé avec Angélique Leleux. C’était peut-être trop tôt… Ça n’a pas fonctionné. Olivier Leborgne s’est imposé parce que sa voix collait bien à la mienne. Et puis, lui est comédien, moi juste imitateur. Ça faisait un bon mélange, qui dure depuis 11 ans. Chaque année, je reviens avec l’idée d’ajouter une femme imitatrice. On cherche toujours…

Vous êtes reparti pour 2500 numéros ?

Dans 14 ans, j’aurai 72 ans… Ce sera un peu comme «Les Grosses têtes», on peut enlever Bouvard, et ça fonctionne encore. «Votez pour moi», c’est pareil. Il ne faudra pas faire l’année de trop. Le jour où je vais me rendre compte que mes voix se ressemblent trop, je tirerai ma révérence. Place aux jeunes !

Ça vous fait peur ?

Non, ça fait partie de la vie. Nous ne sommes pas des diamants, nous ne sommes pas éternels. Je repartirai en tournée pour faire des spectacles. J’ai connu des hauts et des bas dans ma carrière… «Votez pour moi» est la plus longue période de travail que j’ai eu dans une discipline.  

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