Alix Poisson («Sambre» sur La Une) : «Des ravages incommensurables !»
Une sordide affaire de viols en série au cœur de la série inédite «Sambre», à découvrir ce jeudi à 20h30 sur La Une.
Dès jeudi, La Une diffuse «Sambre», une série inspirée de faits réels. Entre les années 1980 et fin 2018, le long de la Sambre, au nord de la France, au moins cinquante-quatre viols ont été commis par le même homme. La série retrace cette affaire sur plus de trente ans, à travers les yeux de six protagonistes. L’une d’elles est incarnée par Alix Poisson (44 ans). L’actrice nous parle, avec beaucoup d’émotion, de Christine, un personnage fictif élaboré à partir du profil de plusieurs vraies victimes.
Connaissiez-vous cet horrible fait divers dont la série s’est inspirée ?
Non, pas très bien et, étant donné l’ampleur et la gravité de cette affaire qui symbolise le déni de la société par rapport au viol, j’ai été très étonnée de ne pas en avoir entendu parler. J’ai aussi été choquée de constater que le procès du violeur, qui a eu lieu l’année dernière, ait été si peu relayé par les médias. Comment est-il possible que ces viols en série soient restés sous les radars ?
Pourquoi souhaitiez-vous jouer le rôle de Christine ?
Montrer qu’une vie pouvait être sacrifiée parce que ce matin-là, Christine a eu le malheur de croiser la route de cet homme-là, a été bouleversant. Pour elle, la vie d’avant s’est brutalement arrêtée.
Comment s’exprime cette désintégration personnelle ?
Pour survivre, Christine a été obligée de se barricader dans un autre corps en renonçant à tout signe de séduction. Toutes les victimes ne réagissent pas de cette manière, mais en enfilant la prothèse, la perruque et les vêtements de Christine, j’ai perçu physiquement à quel point sa vie avait été fauchée en plein vol. Les séquelles sur les victimes sont incommensurables. Mais malgré ces ravages intérieurs, elles n’ont pas le choix, elles doivent continuer à avancer.
Pourquoi l’enquête fut-elle si longue avant d’identifier le violeur ?
Il était plus rassurant de nous faire croire que le violeur était forcément un marginal, un déséquilibré profond ou un gars qui surgissait à minuit dans un parking mal éclairé. Cette thèse, qu’on nous a racontée pendant des décennies, arrangeait pas mal de monde. Notre société ne voulait pas admettre que 90 % des violeurs sont des hommes parfaitement insérés, père de famille, qui travaillent, sont ponctuels, pratiquent un sport. Il est très difficile d’entendre qu’il n’existe pas un profil type du violeur. Ce constat nous oblige à prendre conscience que, dans notre cercle intime, un père, un frère ou un oncle pourrait potentiellement être l’un d’entre eux.
Le mouvement #MeToo a-t-il fait évoluer la société ?
Il est évident que sans #MeToo, certains changements n’auraient jamais pu arriver. Grâce à ce mouvement, plusieurs termes sont passés dans un langage compris et ressenti par tous. Il y a encore trois ou quatre ans, le mot «consentement» était non seulement absent du vocabulaire, mais surtout, la majorité des gens ignorait avec précision sa signification. Aujourd’hui, parler de ce sujet avec nos enfants est un progrès colossal.
Cet article est paru dans le Télépro du 2/11/2023
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