L’un des plus grands acteurs de tous les temps traduisait dans ses rôles toutes les souffrances de sa vie.
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 25/4/2019
Son fils Miko le dit lui-même : «Mon père était l’archétype de l’homme-enfant.» Avec sa moue boudeuse et son désir éperdu de liberté, Marlon Brando fut en effet un être en perpétuelle rébellion, comme on le (re)verra ce lundi à 22h50 sur Arte, avec son rôle d’ex-boxeur devenu docker dans «Sur les quais». L’inoubliable interprète du«Parrain» tenait sans doute cet esprit frondeur de sa jeunesse malmenée.
Délinquant précoce
«On vivait dans une petite ville, ma mère était toujours saoule», raconta Brando à la fin de sa vie. «Lorsqu’elle fuguait, je devais la chercher, puis, souvent, la faire sortir de prison. Ces souvenirs, même maintenant, me remplissent encore de honte et de colère !».
Né en 1924 dans le Nebraska, troisième enfant d’un commerçant et d’une actrice à la petite semaine, Marlon Brando Jr. devint vite le parent de ses parents, deux alcooliques violents. Le jeune garçon transbahuta ses traumatismes dans son cartable et, à l’école, défia ses professeurs, mit le feu aux bancs et brisa pas mal de vitres. Il fut renvoyé du lycée pour avoir conduit sa moto dans les couloirs !
Malgré ces difficultés, le délinquant développa un talent pour l’imitation, copiant ses amis, ses instituteurs et même ses animaux. Ce qui amusait ses sœurs aînées, étudiantes en art dramatique. Inscrit par son père dans une académie militaire, Marlon parvint à canaliser son impétuosité grâce à la discipline, mais surtout grâce aux cours de théâtre. Passionné par l’armée mais refusé aux tests d’admission, il décida d’être acteur.
Menteur surdoué
Ces échecs successifs furent finalement des victoires. Si l’Amérique perdit un aspirant soldat, elle gagna un comédien-culte. L’intéressé déclara : «Si je n’avais pas fait du cinéma, j’aurais été un escroc. Un bon escroc, expert en mensonge.» Le talent pour le jeu puissant était déjà là ! Le succès vint aussi grâce au physique de ce débutant dont l’animalité et la virilité marquèrent la pellicule dès son deuxième film, «Un tramway nommé désir» (1951). Incarnant un mari rude mais aimant, Brando séduisit le public dans une inoubliable scène où, en marcel moulant et souillé, il hurlait désespérément le nom de sa bien-aimée.
Se donnant à fond en tout domaine, le héros de «L’Équipée sauvage» goûta sans limites aux adjuvants et aux aventures amoureuses. Son goût pour les excès sembla hélas être héréditaire. Son fils Christian, l’un de ses onze enfants, fut emprisonné pour meurtre. Quant à sa fille chérie, Cheyenne, elle se suicida par pendaison.
Au soir de son existence, le rebelle iconique dut alors affronter ce qu’il détestait le plus : la surmédiatisation. La star amère le souligna : «Les acteurs aiment toute cette attention. Pour moi, avoir des gens qui vous regardent tout le temps revient à être comme un animal dans un zoo.» Et dans une cage.
Carol Thill