Tour 2012 : rencontre avec Rodrigo Beenkens
Revenu dare-dare de l’Euro 2012, qu’il a commenté jusqu’en demi-finales, celui qui est aussi l’un des meilleurs spécialistes du vélo s’apprête à suivre le Tour de France pour la RTBF. Il envisage plusieurs scénarios pour la victoire à Paris, le 22 juillet.
Rodrigo Beenkens : « Je ne suis pas d’accord avec Eddy Merckx »
D’après vous, ce sera une affaire entre qui et qui ?
Le forfait d’Andy Schleck, acté après sa chute le 7 juin au Dauphiné, a définitivement réduit à deux le nombre de favoris : Cadel Evans, vainqueur l’an dernier, et Bradley Wiggins, qui a fait de ce Tour de France son objectif prioritaire (ndlr : tous deux entourent Rodrigo Beenkens sur notre photo). De tous les candidats supposés à la victoire finale, l’Australien et le Britannique sont ceux qui affichent la meilleure forme. Mais ce ne sera pas aussi simple que ça.
Pourquoi ?
Le sport se nourrit d’incertitudes. Voyez ce qui s’est produit au Tour d’Italie, avec le succès surprise de Ryder Hesjedal : qui aurait imaginé ce scénario ? A priori, Cadel Evans et Bradley Wiggins sont au-dessus du lot. Eddy Merckx lui-même m’a avoué que le Tour ne pouvait pas échapper à «Wiggo». Je ne suis pas tout à fait d’accord. Bon ! Wiggins, c’est le meilleur rouleur. Il a fait forte impression au Dauphiné, où on a clairement vu qu’il s’était amélioré au contre-la-montre et qu’il avait fait des progrès en montagne. En outre, la manière dont son équipe a verrouillé la course fut confondante. Sur le Dauphiné, les Sky ont agi comme l’US Postal le faisait du temps de Lance Armstrong et les Banesto, avec Miguel Indurain. C’est dire ! Un énorme problème va néanmoins se poser pour eux : comment gérer la cohabitation entre Bradley Wiggins et Mark Cavendish ? À mon sens, il s’agit de l’une des clés de ce Tour de France. Et là, il risque d’y avoir débat…
En quel sens ?
Sky veut réaliser le doublé : le maillot jaune pour Bradley Wiggins, le maillot vert pour Mark Cavendish. Or, c’est impossible. C’est vouloir le beurre et l’argent du beurre. Le Tour s’étale sur trois semaines. Rester au top aussi longtemps sur deux fronts, en étant attaqués de toutes parts… Je ne vois pas comment Sky va y arriver. À terme, il faudra faire un choix. Et celui-ci s’opérera légitimement au détriment de Mark Cavendish. Quelles en seront les conséquences ? Celles-ci briseront-elles l’unité du groupe, au point de porter préjudice à Bradley Wiggins ? Je ne suis pas devin. Mais…
Si on vous suit, ce cas de figure pourrait être favorable à Cadel Evans. Ou à un troisième larron…
L’Australien n’a pas besoin que ça pète chez Sky. Tout comme l’absence d’Andy Schleck ne change rien pour lui non plus. Cadel Evans est un professionnel dans toute l’acception du terme, un athlète incroyable et, pour bien le connaître, je peux vous certifier qu’il s’est idéalement préparé pour ce Tour. Il a toutes les qualités pour l’emporter à nouveau. Au départ de Liège, il pourra compter sur des partenaires qui lui seront entièrement dévoués en toutes circonstances. Et qui, ainsi, déblaieront le terrain pour permettre éventuellement à l’Australien de se succéder à lui-même.
On ne peut pas ne pas parler d’Andy Schleck…
Depuis son abandon à Paris-Nice, c’est comme si le Luxembourgeois avait mis le doigt dans un engrenage qui l’entraîne dans une espèce de déni de son talent. L’absorption de Leopard-Trek, son ancienne formation, par RadioShack-Nissan, la mise à l’écart de l’un des directeurs sportifs, Kim Andersen, dont Andy et Fränk Schleck étaient fort proches, puis cette poisse qui n’a cessé de les accabler tous les deux, de mauvais choix tactiques également, tout cela a fait tourner la sauce. J’ai le sentiment que, chez Andy Schleck, l’envie n’est plus là. Quelque chose semble s’être cassé en lui. D’abord, au figuré. Ensuite, au propre. Psychologiquement, c’est intéressant.
Évoquons un autre absent : Tom Boonen a-t-il eu raison de délaisser ce Tour ?
Après son printemps fastueux, qu’avait-il à y gagner, lui qui vise la Médaille d’Or sur l’épreuve en ligne des Jeux Olympiques de Londres ? Compte tenu de la présence chez Quick-Step de l’Allemand Tony Martin, probable maillot jaune dès le prologue de Liège, et celle de Levi Leipheimer, qui lorgne sur une place au général, il n’aurait pas bénéficié d’un statut particulier, tout en devant s’aligner aux Jeux huit jours après l’arrivée à Paris. Disputer le Tour aurait été compliqué, voire préjudiciable pour Tom Boonen. Il a agi intelligemment.
Un mot sur Jurgen Van den Broeck…
C’est notre meilleure chance de podium. Il a fini 5e en 2010. L’année passée, la poisse, alors qu’il tombe sur la route de Saint-Flour durant la 9e étape, l’a vraisemblablement empêché de confirmer ce fantastique résultat. Cette fois, j’espère qu’il y parviendra. Jurgen Van den Broeck a mis tous les atouts de son côté. Il a trimé comme un dingue, multipliant les séances de travail pour briller en contre-la-montre et accumulant les stages en altitude. Il est bien. Après Thomas De Gendt au Giro, Jurgen Van den Broeck sur le Tour ? Moi, j’y crois…
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