Vincent Lindon, l’éternel écorché vif
Malgré sa remarquable filmographie et sa consécration à Cannes en 2015, le héros de « Jouer avec le feu » (actuellement en salles) reste, à 65 ans, un enfant insécurisé.
Mercredi, après le film « Un autre monde » (21h), Arte diffuse à 22h35 un documentaire inédit consacré au comédien. Ses réalisateurs, Thierry Demaizière et Alban Teurlai, ont capté son ultra sensibilité à fleur de peau.
Qu’appréciez-vous chez cet acteur qui se définit lui-même comme étant difficile à vivre ?
Alban Teurlai : Il a toujours des moments de grande clairvoyance sur la vie, la mort, le métier et ses propos sont très intéressants. Nous avions réalisé un premier documentaire avec lui, « Revolvers » (2012), pour France 5, évoquant son enfance et ses films. Et nous sommes restés amis. Nous avions envie d’une suite avec l’idée d’associer nos images à un journal intime où Vincent se filmerait avec son portable durant ses bons et mauvais moments.
Cela a duré quatre ans. Le choix des images a dû être difficile…
Thierry Demaizière : On avait 150 heures de matériel ! Comme Vincent a beaucoup à dire et le dit très bien, nous avons retenu les meilleures phrases-chocs et tous ses états d’âme, que ce soit la colère, la mélancolie ou la drôlerie.
A-t-il été ravi de se filmer pour ne pas être confronté à une interview face caméra plus intrusive ?
T.D. : Son rapport à la pudeur est particulier. Il est extrêmement courageux, peut aller jusqu’à l’os et dire des choses que personne d’autre n’oserait avancer. Mais paradoxalement, l’acteur a des limites précises concernant son intimité. On ne doit pas parler de sa famille ni de ses enfants, qu’il protège férocement.
A.T. : C’est presque comme une analyse ! Quand les gens vont chez un psy, ils peuvent choisir d’être sur un divan et de se confier sans croiser le regard de leur interlocuteur. C’est une façon de se parler à soi-même qui peut aider à aller plus loin dans la confidence.
En découvrant ses nouvelles confidences, qu’est-ce qui vous a le plus frappés ?
A.T. : Finalement, peu de choses apaisent les écorchures qui le rongent. Malgré l’âge, la reconnaissance du public, sa récompense à Cannes pour « La Loi du marché », il ne parvient pas à s’apaiser. C’est cela le plus bouleversant. Cet artiste sait que ses émotions, ses inquiétudes prennent beaucoup de place et peuvent peser sur l’entourage. Il regrette de ne pas avoir été demandé par des cinéastes comme Tavernier, Corneau ou Rappeneau, persuadé que son tempérament a fait peur à certains.
T.D. : Oui, ce qui nous a marqués c’est que, même avec des lauriers, son intranquillité perdure. Il a tellement d’angoisses que l’apaisement est le seul sentiment que Vincent ne connaît pas. Ce n’est pas une personne cyclothymique, mais avec des émotions en dents de scie. Toutes ses joies, peines, plaisirs ou désespoirs sont immenses et oscillent de dix minutes en dix minutes !
Cet article est paru dans le Télépro du 30/1/2025
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