Vert de rage : la colère est mauvaise conseillère
Toute star a un ego qui enfle davantage avec le succès. Ajoutez à cela le devoir d’être toujours affable et exemplaire, et vous obtenez un mélange explosif. Un moment de stress ou de fatigue suffit à mettre le feu aux poudres.
La mandale que Will Smith a envoyée à la face de l’humoriste Chris Rock, qui plaisantait sur l’alopécie – chute de cheveux – de sa chère et tendre Jada Pinkett Smith, le 27 mars dernier, à la 94e cérémonie des Oscars, a fait couler beaucoup d’encre. Elle nous a aussi appris qu’aux États-Unis, il existait des cures de «désintoxication» pour maîtriser ses accès de colère. Car, outre la sanction de l’Académie, qui a interdit à l’acteur d’assister à la remise des trophées durant les dix prochaines années et l’annulation de Sony Pictures et Netflix de toute collaboration avec le «gifleur», celui-ci est entré en clinique de réadaptation. Il n’est pas le premier à suivre pareil traitement.
Sautes d’humeur extrêmes
John McEnroe, champion de tennis, grand râleur devant l’Éternel et casseur de raquettes, a révélé suivre une thérapie de gestion de la colère en 2018 : «Elle m’aide, alors je continue…»
Thomas Gibson , l’un des héros d’«Esprits criminels», a été renvoyé de la série après une bagarre avec le coproducteur exécutif Virgil Williams et d’autres incidents impliquant son tempérament fougueux. Des proches ont confié à Variety : «À cause de son attitude condescendante, Thomas se disputait avec ses collègues. Un jour, il a failli en venir aux mains !» En 2016, son départ avait été un soulagement : «Il était sujet à des sautes d’humeur extrêmes : doux et aimable un jour, colérique et irritable le lendemain…»
Tempéraments de feu
Les prises de tête ont aussi été la spécialité de Johnny Depp qui, en début de carrière, saccageait ses chambres d’hôtel et distribuait des gnons aux photographes. Assagi durant de longues années, il a retrouvé sa réputation de «bad boy» depuis ses démêlés avec son ex-femme Amber Heard et a été surnommé par The Sun «Wife beater» (littéralement «batteur d’épouse»). Un procès est en cours. Ils s’y accusent mutuellement de diffamation…
De la même manière, l’acteur et réalisateur Sean Penn est plutôt soupe au lait. Et les années ne l’ont pas assagi. Connu pour s’être bagarré avec sa première épouse Madonna, la star a aussi levé la main sur maints paparazzis, uriné sur un journaliste et a souvent été à deux doigts d’en découdre avec ses partenaires ou les comédiens qu’il dirige. «Je suis constamment gêné par ma propre personnalité. (…) Je ne suis pas antisocial, je ne veux simplement pas me socialiser avec tout le monde…», dit-il. Parti en Ukraine pour un documentaire, Penn-au-sang-chaud a pensé rester là-bas : «Le fait de se battre vous traverse forcément l’esprit. Je songe maintenant à prendre les armes contre la Russie.»
Valeurs et engagements
Râleur non violent mais engagé, Vincent Lindon apprécie les rôles qui dénoncent les injustices. «Je vibre dès que je peux incarner Monsieur Tout-le-Monde, j’aime fédérer, convaincre, faire mon métier d’acteur et pouvoir me jeter dans des passions ou dans des causes», révèle-t-il au Parisien. «On est nombreux à être indignés. Mais moi, j’ai les micros pour m’exprimer, une caméra qui me filme. (…) Je n’ai pas le monopole de la révolte. Mais si je peux aider, je le fais !»
Autre personnalité, autre façon de s’extérioriser, Corinne Masiero a surpris les César 2021 en se déshabillant sur scène pour exprimer le désarroi de la profession. L’actrice a précisé sur Mediapart : «Je suis désolée… Je n’ai pas la classe d’Adèle Haenel (qui avait dénoncé en 2020 les prix reçus par Polanski, accusé de pédophilie). Elle est super jolie. Moi, je ne suis pas belle. Ma force, c’est d’être moche, populaire et vulgaire. Vulgaire, ça veut dire qui vient du peuple.» Et d’épiloguer dans le Parisien : «Quand on défend des valeurs, il y a le risque, au cinéma, au théâtre ou dans une usine occupée, de perdre son emploi, d’avoir tout le monde à dos. Ce n’était pas forcément rigolo, mais je suis contente de l’avoir fait.»
Exprimer sa colère ou l’étouffer ?
Un coup de sang, un «trop, c’est trop» peut saisir tout être humain. «La colère est pourtant mauvaise conseillère». Mais…
Les scientifiques précisent que la colère booste l’énergie, la créativité, un travail efficace et conduit à des négociations plus fructueuses dans les relations professionnelles ou sociales. Encore faut-il canaliser cette intense émotion, car réprimer sa colère peut entraîner des répercussions négatives sur la santé. Selon les chercheurs, les gens qui étouffent la rage ressentie face à une attaque injuste sont plus enclins à avoir des problèmes respiratoires (asthme, bronchite, crises cardiaques) que ceux qui osent dire être blessés ou énervés. Afin de trouver le juste milieu, Todd Kashdan et Robert Biswas-Diener, docteurs en psychologie et philosophie, auteurs de «Soyez négatifs ! Vos défauts sont vos alliés» (Éd. JC Lattès), livrent leurs conseils sur la bonne façon de se fâcher :
- Faites savoir explicitement que vos émotions sont vives et qu’il vous est plus difficile que d’habitude de communiquer clairement.
- Excusez-vous-en à l’avance. Utilisez un ton approprié sans humilier l’autre.
- Autorisez-vous une pause, même si les autres attendent une réponse. Prendre une respiration profonde et un moment de réflexion renforce plus efficacement le pouvoir et le contrôle de votre réplique que les réponses rapides.
- Pensez comme un joueur d’échecs, ayez une ou deux étapes de réflexion d’avance en imaginant comment l’autre va réagir. Demandez-vous : «Est-ce que ma colère aide ou nuit à la situation ?» Et de citer leur confrère, John Riskind, qui soigne des patients souffrant d’émotions incontrôlables et travaille sur la vitesse de réaction : «Vous pouvez penser qu’il y a trop de choses à dire et pas assez de temps pour le faire. Dans ce cas, pensez à ralentir. Afin de ne pas foncer tout droit dans le mur.»
Cet article est paru dans le Télépro du 21/04/2022
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