Très (en)chères vedettes !
Certaines choses ont un prix, d’autres ont de la valeur. C’est sans doute ce que les fans ont à l’esprit lorsqu’ils sont prêts à investir des sommes folles dans un objet de collection lié, de près ou de (très) loin, à leur idole.
Chapeau, robe, mouchoir usagé, mèches de cheveux : longue est la liste de «collectors» acquis lors de la mise aux enchères d’objets ayant appartenu ou ayant été en contact avec une star qu’admirateurs ou admiratrices admirent par-dessus tout. Leur culte n’a pas de limites, ni de budget. Mais comment expliquer ce si grand (taux d’) intérêt ?
Un marché à tout casser
Les ventes aux enchères VIP constituent un marché mondial qui rapporte des millions d’euros par an. Cette folie a débuté en 1970 avec une collection d’objets de l’Âge d’or d’Hollywood (1930 à 1950, ndlr), sur une idée des studios MGM, alors en difficulté financière et désireux de faire d’une pierre deux bons coups : se débarrasser d’accessoires de films classiques («Le Magicien d’Oz» (1939), «Chantons sous la pluie» (1952)…) tout en renflouant les caisses. L’une des paires de «chaussures de rubis» de Judy Garland (le studio en avait fait fabriquer six ou sept paires) furent ainsi acquises pour 15.000 $, soit environ 100.000 $ d’aujourd’hui.
Notoriété et postérité
Il faut dire que tout – absolument tout ! – intéresse les aficionados. Mais ces acheteurs «émotionnels» doivent faire avec une autre race de collectionneurs : ceux qui déboursent non par passion, mais par appât du gain. Ces investisseurs recherchent des objets emblématiques qu’ils revendront plus tard, quand la valeur aura augmenté. Notamment, après la mort d’une vedette… Darren Julien, de chez Julien’s Auction, salle de vente aux enchères de Beverly Hills spécialisée dans les objets de stars, remarque : «Nous détenions un record, du vivant de Michael Jackson, en vendant une paire de ses gants pailletés pour 30.000 $. À son décès, elle a été revendue à 420.000 $.» La notoriété joue donc un grand rôle. Et est d’autant plus intéressante quand une star est mondialement connue…
Une tasse de thé ?
Mais qu’achète ce petit monde d’acharnés ? Il y a d’abord des objets excentriques mais guère surprenants. Comme une soucoupe et une tasse de thé où Lady Gaga a laissé une trace de rouge à lèvres, vendue à 75.137,50 $ lors d’une vente caritative en 2012 pour aider les artistes japonais, après le tremblement de terre et le tsunami de l’année précédente. L’objet comporte aussi des mots de la chanteuse, «Prières pour le Japon», écrits lors d’une conférence de presse à Tokyo.
Autre achat qui a bien rebondi : un trampoline en forme de cupcake d’où surgissait Katy Perry durant sa tournée California Dreams Tour (2011). Une part de gâteau à 5.000 $ ! En 2018, la même Katy Perry a mis 50.000 $ sur la table dans une vente aux enchères dont les bénéfices allaient aider les victimes des incendies en Californie. L’un des lots était une balade à moto et un déjeuner avec… son mari Orlando Bloom. Il semble qu’il lui était insupportable qu’une autre femme qu’elle grimpe sur la monture de son amoureux. Les enchères avaient commencé à 20.000 $ et il y avait une preneuse un peu trop jeune à son goût…
Asseyez-vous !
De quoi avoir besoin de s’asseoir pour reprendre ses esprits. Sur une chaise, par exemple. Celle ayant été utilisée par J.K. Rowling lorsque, jeune mère célibataire précarisée, elle imagina Harry Potter. Ce siège en chêne des années 1930, acquis aux puces par l’auteure quand elle habitait Édimbourg (Écosse), s’est envolé pour 394.000 $, à New York en 2016. Non par magie mais parce que J.K. y a ajouté des décorations et gravé : «J’ai écrit Harry Potter, assise sur cette chaise». Le siège avait été donné à l’origine par Rowling en 2002 pour soutenir une organisation caritative du Royaume-Uni. Il s’était vendu 21.000 $ à l’époque.
Croustillant !
Parmi les acquisitions plus étranges ou amusantes, notons un petit pot censé contenir l’haleine de Brad Pitt et d’Angelina Jolie. Le flacon qui renfermerait leur souffle a trouvé preneur à 380 €. Restons au rayon «fine bouche» avec du pain grillé dans lequel Justin Timberlake a mordu lors d’un petit-déjeuner dans les studios d’une radio new-yorkaise. Kathy Summers, une admiratrice pleine d’appétit, l’a récupéré pour 1.025 $, en 2000, sur eBay. «Je vais le lyophiliser, puis le mettre sous globe» a-t-elle dit à Entertainment Weekly. Ce n’est pas plus idiot que de posséder l’une des cartes de crédit de Madonna. Au moins y trouve-t-on aussi un autographe. Le produit, hélas périmé, estimé entre 400 $ et 600 $, s’est arraché pour 2.560 $ en 2016.
Chicot…
Le glauque ou le macabre n’arrêtent pas davantage l’enthousiasme des fan(atiques). L’un d’eux a donné 8.000 $ pour une fiole de médicaments vide d’Elvis Presley. Une pilule qui n’a visiblement pas été difficile à avaler. Pas plus que les 25.000 $ versés, en 2011, par un dentiste canadien pour se payer une molaire cariée de John Lennon. La star en avait fait don à sa gouvernante Dot Jarlett, afin qu’elle l’offre à sa fille, fan des Beatles.
Toujours au rayon «médical», une radiographie de Marilyn Monroe, prise lors d’un séjour à l’hôpital en 1954, pour une chirurgie de l’endométriose utérine, vaut plus que les honoraires du toubib : 3.840 $. Une vente réalisée par la salle Julien’s Auction, à Los Angeles en 2016.
… ou mouchoir ?
Et même lorsqu’il s’agit d’un petit rhume, un peu de morve peut valoir très cher : 5.300 $. Car c’est celle de Scarlett Johansson ! Invitée du «Tonight Show» de Jay Leno, en 2008, l’actrice a éternué dans un mouchoir en papier, ensuite récupéré dans un sac plastique puis vendu sur eBay pour une œuvre caritative. La star a précisé que Samuel L. Jackson lui avait refilé une «grippette» sur le plateau de «The Spirit», le film de Frank Miller.
Abordables…
Enfin, les principales maisons spécialisées en enchères du show-biz ont mis au point un nouveau concept : outre les ventes luxueuses, elles proposent désormais des objets à des prix plus abordables. Darren Julien explique, tout sourire : «Nous vendons aussi, par exemple, un télégramme jauni ou un ticket de parking à partir de 150 $. Nous ne faisons pas de bénéfices avec ces articles, mais ils procurent des frissons aux fans et célèbrent la mémoire d’une personnalité.» Que c’est beau…
Grand écran, grands appétits
Le cinéma reste l’un des vecteurs préférés des enchères, car les objets sont gravés sur la pellicule comme dans le marbre. Morceaux choisis. Ventes et prix assortis.
- Le casque de Tom Cruise («Top Gun») : 330.000 $
- Le pistolet de Harrison Ford («Blade Runner») : 270.000 $
- La voiture DeLorean de Michael J. Fox (trilogie «Retour vers le Futur») : 645.000 $
- Baskets et chaussettes Nike assorties de Tom Hanks («Forrest Gump») : 9.700 $
- Le piano fétiche d’Humphrey Bogart («Casablanca») : 3,4 millions $
La fièvre des enchères
Ce phénomène procure autant d’adrénaline que les jeux de hasard. Selon Robert Cialdini, professeur de psychologie sociale à l’Arizona State University et auteur de «Influence et manipulation» (Poche, 2014) : Les enchères utilisent le principe de la rareté : nous surévaluons les choses dont nous pensons qu’elles pourraient s’épuiser. Les articles sont rares en ce sens qu’ils sont uniques – une seule personne peut les avoir -, et rares dans le temps – une fois les enchères terminées, c’est fini… L’autre principe est celui de la «preuve sociale».
Les enchères vous mettent en contact avec d’autres personnes qui fournissent toutes la preuve que l’article en vente est important et précieux. Il y a donc émulation. Puis vient l’élément concurrentiel suscitant un comportement d’achat irrationnel : quand nous sommes impliqués dans une enchère, nous ne payons pas seulement pour posséder l’article, mais pour battre les autres acheteurs et les empêcher de l’avoir. Comme disait le romancier Gore Vidal à propos de la nature humaine : «Il ne suffit pas de réussir. Les autres doivent échouer…»
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 3/12/2020
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