Stars et jeunisme : seules les actrices périment…

Madonna, 64 ans, presque méconnaissable aux Grammy Awards 2023, le 5 février dernier © Getty Images

Au nom de la lutte contre l’âgisme qui méprise les personnes matures, certaines stars usent et abusent de stratagèmes variés. Courageux ou pathétique ?

Qu’est-il donc arrivé à Madonna ? Des milliers de spectateurs ont été pétrifiés en découvrant son «nouveau» visage de marbre aux Grammy Awards 2023, le 5 février dernier. Les traits de la star, figés et gonflés, les ont effrayés.

Punition

Alors que certaines de ses consœurs assument davantage leur âge, la Madone s’enferre dans ses revendications. Surprise qu’on s’intéresse plus à son apparence qu’à sa présence scénique, celle qui a toujours misé sur l’entretien de son corps a tweeté : «Beaucoup ont choisi de ne parler que des photos de moi en gros plan, prises avec un téléobjectif qui déformerait le visage de n’importe qui ! (…) Je suis victime de l’âgisme et de la misogynie d’un monde qui refuse de célébrer une femme de plus de 45 ans et ressent le besoin de la punir si elle continue d’être forte, volontaire. Je ne me suis jamais excusée pour aucun de mes choix. (…) Je suis heureuse d’être une pionnière, pour que toutes les femmes derrière moi puissent avoir plus de facilité dans les années à venir.» Encore faut-il que les générations suivantes aient envie d’adopter la même posture. Car si Madonna s’exprime sur son prétendu avant-gardisme, elle n’a jamais pipé mot sur ses «astuces» beauté.

Chirurgie…

Aussi le Daily Mail a-t-il interrogé le Dr Michael Horn, chirurgien plasticien de Chicago, à propos de la star de 64 ans. «Elle a subi un lifting – sa peau est anormalement tendue et sans rides -, mais aussi une modification du volume des lèvres et de tout le visage : tempes, nez, joues, menton, mâchoire. Ce qui peut provenir soit d’injections, soit d’une greffe de graisse», a noté le médecin. «Il y a peut-être eu un resurfaçage au laser. (…) La lueur sur sa peau doit être le résultat d’injections de plasma riche en plaquettes ou d’autres charges biostimulatrices.»

Pourtant, des personnalités ont pris la défense de la Material Girl. Dont la romancière Jennifer Weiner, dans le New York Times : «Le plus grand caméléon de notre époque nous a servi à la fois un nouveau visage et une critique de la société. Son apparence a forcé l’auditoire mal à l’aise à réfléchir aux raisons de cette transformation : âgisme, sexisme, estime de soi, mythes de la beauté, pertinence culturelle, réinvention. Plus elle a l’air d’être en plastique, plus elle devient humaine !»

Joyaux sans valeur

«J’ai essayé beaucoup de choses, mais à part le sport, une bonne alimentation, de la crème solaire, la plupart ne font aucune différence», assure Nicole Kidman au magazine allemand TV Movie. «Je ne juge pas», a ajouté, dans La Repubblica, celle qui a eu recours pendant de nombreuses années aux injections de toxine botulique avant d’arrêter son usage. Jamie Lee Curtis (64 ans) est également sincère dans Marie Claire : «J’ai tout fait. J’ai subi une petite chirurgie plastique, une liposuccion. Je me suis fait injecter un peu de Botox. Et vous savez quoi ? Rien de tout cela ne fonctionne. Rien ! Désormais, j’assume pleinement mes rides !»

«En règle générale, les femmes matures perdent de la valeur !», confie Halle Berry au magazine AARP. «Elles sont moins sollicitées par le cinéma. Or, la société devrait nous considérer comme des joyaux à mesure que nous vieillissons !»

Parité… inégalitaire

Cameron Diaz , 50 ans, s’est résolue à s’éloigner des tournages dès l’âge de 40 ans : «Je n’étais plus assez jeune pour l’industrie de l’image, je n’avais plus de valeur. (…) C’est une chose cruelle que notre société fait aux femmes en leur disant qu’elles ont échoué dans un processus totalement normal et naturel.» «Dès mes 38 ans, je me suis sentie, à Hollywood, comme une citoyenne de seconde classe, le résultat du sexisme de l’industrie !», note Liv Tyler, 45 ans.

En 1995, à 37 ans, Emma Thompson a dû s’imposer auprès d’Ang Lee pour jouer dans «Raison et sentiments», le cinéaste la trouvait trop âgée pour être la promise de Hugh Grant. L’angoisse a aussi gagné Meryl Streep : «À la quarantaine, je pensais que chaque film serait mon dernier !» Celle qui a réussi à briser les préjugés a décidé d’aider ses semblables en rejoignant, notamment avec Nicole Kidman, le «Writers Lab» (laboratoire des auteures), programme veillant à atteindre la parité pour les femmes scénaristes, dans le but de proposer des rôles plus forts à leurs pairs de tous âges.

Privées de romantisme

Geena Davis (67 ans) a, elle, créé le Geena Davis Institute on Gender in Media (sur la présence genrée dans les médias) et accuse l’âgisme hollywoodien d’être «trop répandu» : «Un acteur m’a un jour dit que j’étais trop vieille pour être sa partenaire romantique dans un film, alors que j’avais vingt ans de moins que lui ! Les femmes ne sont plus choisies dans des rôles d’amoureuses après 40 ou 50 ans, parce que les hommes veulent paraître plus jeunes en ayant comme partenaires des filles qui le sont encore plus !»

Un rapport de sa fondation, en 2020, s’est révélé stupéfiant : les personnages de 50 ans et plus ont représenté moins d’un quart de tous les héros des films les plus rentables de 2010 à 2020. Dans quatre films sur cinq, les hommes tenaient le premier rôle. «Notre analyse des fictions les plus populaires suggère que l’âgisme à l’écran a la peau dure !»

Monde brutal en celluloïd

Dakota Johnson (33 ans), fille de Melanie Griffith (65 ans) et petite-fille de l’icône Tippi Hedren («Les Oiseaux», «Pas de printemps pour Marnie») a qualifié l’industrie du 7e art de «brutale» pour les filles : «Les rôles se tarissent avec le temps, ça me fait peur». Tippi, 93 ans, d’ajouter : «Les auteurs disent ne pas trouver assez de femmes qui vieillissent bien pour être fascinantes. Alors, ils n’écrivent plus de scénarios pour elles.»

Les films mettant en scène des dames mûres ne seraient donc que quelques maigres arbres cachant la forêt. Dans son étude «It’s a Man’s (Celluloid) World» (c’est un monde – en celluloïd – d’homme), Martha Lauzen, du Center for the Study of Women in Television and Film, prévient : «Nous voyons une poignée d’actrices matures et supposons que l’âgisme a diminué. Mais à moins que votre nom de famille ne soit Streep ou MacDowell, il y a de fortes chances pour que vous ne travailliez pas beaucoup dans le cinéma !»

Entre philosophie et révolte

Les actrices montent donc au créneau, non comme elles le veulent, mais comme elles le peuvent. Naomi Watts, 54 ans, précocement ménopausée à 36 ans, codirige «Stripes», communauté aidant ses contemporaines «à ne plus traverser la ménopause seules et à mettre fin à la stigmatisation et la honte». Si plusieurs choisissent d’être philosophes, comme Eva Longoria, qui «associe le vieillissement à l’expérience et à la sagesse», ou Andie MacDowell, qui apprend à ses filles trentenaires «à être plus indulgentes avec ellesmêmes, car le vieillissement est un professeur qui nous enseigne l’amour de soi», des battantes restent le poing levé. Comme Jamie Lee Curtis et son discours à la réunion du Radically Reframing Aging Summit : «J’essaie de vivre dans l’acceptation. Mais le mot « anti-âge » doit être supprimé. Je veux vieillir avec intelligence et grâce !» Assumer sa maturité dans un monde épris de perfection, c’est loin d’être «Alice aux pays des merveilles». Et comme y écrit l’auteur Lewis Carroll : «Dans ce pays, il faut courir beaucoup pour rester à la même place.» Une certaine marathonienne nommée Madonna ne dirait pas mieux.

Cet article est paru dans le Télépro du 23/02/2023.

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