Stars de grande taille : le vertige ?

Clara Luciani mesurait déjà 1,76 m à 11 ans © Isopix

On les admire pour leur silhouette longiligne, leur allure élancée magnifiée par des stilettos. Mais quand elles repensent à leur enfance, leur bonne humeur se prend les pieds dans le tapis…

«La grande taille apparaît d’emblée comme un attribut enviable, signe de séduction et d’élégance. Dans les enquêtes, les femmes, comme les hommes, disent souvent rêver de posséder des centimètres de plus», souligne la sociologue Marie Buscatto, auteure de «La Très grande taille au féminin» (Éditions CNRS). «Mais parce qu’on leur attribue des qualités masculines – autorité, affirmation de soi -, ces femmes sont confrontées à des stigmatisations récurrentes qui entachent leur capacité à vivre une vie normale et peinent à se vivre comme de «vraies» femmes. (…) Les remarques désobligeantes, les regards insistants les incitent à se voir comme des êtres disgracieux, gênants (…) et leur rendent difficile la construction de relations sociales.» Certaines «grandes» stars en gardent encore des stigmates.

La fiction au secours des préjugés

De nos jours, les récits abordent enfin tous types de sujets tabous – handicap, précarité… – dont les tailles hors norme. «Tall Girl» a ainsi trouvé son public sur Netflix, en 2019, en contant les aventures de Jodi, ado qui dépasse ses camarades de plusieurs têtes. La comédie romantique a tant plu qu’un second volet est sorti en février dernier. Son héroïne, Ava Michelle, 1,85 m, en est fière : «C’est une reconnaissance. Ma génération a besoin de ce genre de films. Ils font comprendre que ce que les gens disent de vous ne vous définit pas.» Ava, elle aussi, a dû transcender cette souffrance : «J’ai essuyé tant de refus aux auditions !»

Virginie Efira a expérimenté la différence de taille dans «Un homme à la hauteur». Diane, son personnage, est draguée par un homme de 1,40 m campé par Jean Dujardin. «Elle est partagée entre l’amour et une sorte de honte sociale. Quand est-on libre dans nos choix ? Le regard des autres influe-t-il sur nos sentiments ? Mon défi était d’apporter une forme de réponse !»

Invisible ou presque

Le phénomène est d’autant plus difficile qu’il passe paradoxalement inaperçu ou est considéré comme un non-problème. «Contrairement à la grossophobie, les stigmatisations associées à la grande taille sont peu connues et ne sont guère nommées», relève Marie Buscatto. Pourtant, les blessures sont concrètes. Jennifer Lawrence, 1,76 m, raconte : «En général, je me sens bien, sauf quand je porte des talons hauts. Alors, tout le monde me demande où j’ai mis mon ballon de basket !»

Un vrai cauchemar

D’autres gardent des traumatismes. Comme la chanteuse Clara Luciani, 1,82 m, qui mesurait déjà 1,76 m à 11 ans. «J’ai connu le harcèlement, j’étais le vilain petit canard, « la girafe » ou « l’asperge »», confiait-elle au JDD. «Cette période fut affreuse, cauchemardesque», livrait-elle au Monde. «J’étais étrange, avec un physique ingrat, et je subissais moqueries et rejet des autres enfants. À cet âge, chaque différence est le terreau d’une cruauté terrible. J’étais grande, pas jolie… Le parfait bouc émissaire, quoi… C’était très violent, d’autant que j’étais la première de la classe. (…) J’ai alors trouvé refuge dans un monde imaginaire qui ressemblait à un film de Jacques Demy.» L’interprète de «La Grenade» raconte encore aujourd’hui : «J’ai beau avoir mûri et m’être transformée, je continue de voir dans le miroir une fille de 8 ans au physique disgracieux. Cela me rend plus vulnérable qu’une autre aux critiques et aux commentaires haineux des réseaux sociaux. Ils me ramènent dans la cour d’école où pleuvaient les insultes !»

Araignée géante

La classieuse Sigourney Weaver partage ce fardeau. Mesurant déjà 1,77 m à 11 ans, elle a essuyé, elle aussi, des humiliations. «Je n’ai jamais eu la confiance nécessaire pour réagir. C’est encore plus lourd quand on découvre que les structures patriarcales de la société s’attendent à ce que les femmes prennent le moins de place possible.» Même dans son métier, la star est vue comme un canard boiteux. «À mes débuts, je n’ai jamais joué une « petite amie », ni au lycée, ni au cours de théâtre, ni dans le monde réel !» Elle ajoute, dans le Guardian : «Au cours de ma dernière année d’art dramatique, j’ai finalement obtenu un rôle principal : celui d’une mère dans la quarantaine ! J’avais 22 ans, mais ma taille me conférait cette sorte de maturité !»

Pardon, Monsieur

D’autres comédiennes sont, elles, parvenues à oublier ce petit «défaut». Souvent grâce à l’humour et au lâcher-prise. Uma Thurman a eu du mal avec son 1,80 m et sa pointure 43 : «Il m’a fallu attendre mes 35 ans pour marcher sans être gênée !» Tilda Swinton (même taille qu’Uma) s’amuse, pour sa part, des préjugés : «Avec ma coiffure courte, mon absence de maquillage et ma taille, on n’hésite à me pousser dans les ascenseurs et on m’appelle Monsieur ! Difficile d’imaginer que je peux être une dame avec une telle stature et un tel look !»

Talons aiguilles affûtés

Taylor Swift a décidé d’assumer. Du haut de son 1,80 m, la chanteuse reste positive : «Quand je peux mettre une paire de talons de 10 cm, entrer dans une pièce et être plus grande que tout le monde, je le considère comme une bonne chose !» Idem pour Gal Gadot. Michelle Obama, en revanche, n’a pas à s’inquiéter de la hauteur de ses talons malgré son 1,80 m : son époux mesure 1,87 m !

Acceptation et revanche

Sigourney Weaver a trouvé l’épanouissement en acceptant son physique et des rôles en phase avec celui-ci, tel Ripley dans «Alien» ou la dominante Katherine Parker dans «Working Girl» : «Je mise sur la posture, la présence, cela dégage une sorte d’élégance sophistiquée !»

Quant à Clara Luciani, elle a pris sa revanche l’an passé en faisant la couverture du Elle et en dédiant cette couverture à ses «bourreaux d’école» ! «Je ne suis plus la grande perche moche», dit-elle à Auféminin.com. «Avec mon 1,82 m aujourd’hui, j’aimerais bien que mon histoire serve d’exemple pour celles qui doutent d’elles ! J’ai pris assez de recul et le public m’a aidée. La scène a cet avantage de transformer les complexes en signature. (…) Je ne regrette pas mon parcours : il a constitué un terreau fertile pour ce qui adviendrait plus tard. Les enfants harcelés développent d’autres atouts !»

Cet article est paru dans le Télépro du 24/03/2022.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici