Simon Ghraichy, nouveau prince du piano d’un royaume sans frontières
Avec ses boucles échevelées, sa personnalité décomplexée et son éloquente virtuosité, il bouscule l’univers feutré de la musique classique. Le pianiste français d’origine libano-mexicaine Simon Ghraichy connaît un début de carrière fulgurant et sans frontières.
Après Lima, Berlin, Paris, son tour du monde l’a conduit en fin de semaine au festival de La Chaise-Dieu en Haute-Loire, où il a interprété la célèbre « Rhapsody in Blue » de l’Américain Georges Gershwin, aux côtés de l’Orchestre philharmonique royal de Liège.
Une première pour ce pianiste de 31 ans et des sonorités jazzy qui lui allaient comme un gant.
« Gershwin, les États-Unis et New York, c’est vraiment une histoire d’amour qui dure depuis longtemps. J’ai pas mal vécu là-bas, où j’ai tout de suite eu des opportunités professionnelles, avant même de faire mes débuts en France », raconte Simon Ghraichy qui a déjà donné deux concerts dans la mythique salle du Carnegie Hall.
Une continuité artistique aussi pour le soliste qui s’est fait connaître avec son programme « Liszt et les Amériques », superposant l’œuvre du dandy romantique hongrois à celles des compositeurs américains et latino-américains qu’il a influencés.
Avec ce morceau de Gershwin, « on ne peut que penser aux +Rhapsodies hongroises+. Il y a des inspirations lisztiennes dans l’écriture, dans la technique, dans les petites fusées de notes au piano », explique du haut de ses 190 cm le jeune homme à la crinière noir de jais.
– ‘Casser les codes’ –
Au piano, ses interprétations tout en finesse et flamboyance électrisent. Ses mains graciles semblent comme enfiévrées, son corps possédé.
« Les cheveux, ça amplifie le mouvement », plaisante-t-il. « Mais c’est vrai que côté personnage, je me sens beaucoup plus proche d’un Liszt déluré ou d’un Gershwin que de Chopin ou de Schumann qui voyaient la vie en gris », affirme l’artiste au tempérament fougueux, qualifié de nouvelle « rock star » et de « phénomène musical » par la critique.
« Ça m’amuse mais je m’en fous complètement. Mais si une rock star, c’est être un pianiste qui s’amuse à casser les codes, alors oui je veux bien en être une », ajoute ce jeune homme charmeur et espiègle, très présent sur les réseaux sociaux.
« Il faut savoir être moderne autant par son jeu que par son look et sa personnalité, par sa communication. C’est ça qui attire le jeune public, plus que la notoriété de l’artiste. Il en va de la survie de la musique classique. »
« Ma force, c’est que je ne me suis jamais travesti. J’ai toujours été comme ça », assure encore ce natif de Beyrouth à l’enfance cosmopolite.
– ‘Boule de neige’ –
Fils unique d’un père libanais et d’une mère mexicaine, il découvre enfant le piano dans la maison familiale, simple meuble sur lequel personne ne jouait. Boulimique de partitions, il se lance dans une course à l’apprentissage, « sans pression ».
« J’ai fait des études généralistes. Je ne suis pas allé dans des lycées à horaires aménagés. La question d’une carrière professionnelle ne s’est posée qu’au bac. Jusque-là, je prenais ça comme une véritable passion. »
Ce sera le Conservatoire national supérieur de musique de Paris puis l’Académie Sibelius d’Helsinki. Recherchant les voyages et l’exotisme, le jeune talent profite de ses racines mexicaines et libanaises pour se produire dans ces pays.
« L’important était de jouer le plus possible. J’acceptais tout, partout, des petits concerts de rien du tout. Mais il y a eu un effet boule de neige. Ça m’a créé des opportunités », relate le pianiste multilingue qui a fait de son métissage culturel un formidable atout.
Dans son troisième album « Heritages », sorti en février chez Deutsche Grammophon, il se démarque en mettant à l’honneur des compositeurs sud-américains peu joués en Europe comme Villa-Lobos ou Lecuona. Le quatrième est pour cet hiver.
Il jouera également à l’Institut du Monde arabe à Paris le 27 octobre puis à l’Opéra de Versailles le 25 mars 2018.
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