Shirley Kurata, la créatrice des looks barrés d' »Everything Everywhere All At Once »
Imprimés floraux dépareillés pour sa jupe et sa veste, chaussures vert pomme à semelles violettes, ongles bleu pastel et énormes lunettes rondes: voilà un simple look quotidien pour la costumière Shirley Kurata, qui en dit long sur son riche univers.
Cette styliste est une des forces créatives derrière l’un des films les plus barrés des Oscars, « Everything Everywhere All At Once », où elle brigue la statuette des meilleurs costumes.
Les tenues qu’elle a confectionnées participent grandement à la réussite de ce long-métrage, dans lequel une simple propriétaire de laverie tente de sauver une multitude d’univers parallèles des griffes d’une super méchante complètement déjantée.
Avec ce film sur le « multivers » et ses possibilités infinies, les deux réalisateurs Daniel Kwan et Daniel Scheinert, « m’ont encouragé à montrer mes muscles créatifs », raconte à l’AFP cette quinquagénaire — elle refuse de donner son âge exact, mais avoue appartenir à la « génération X ». « Alors je me suis dit, super, je vais m’amuser avec ça ! »
Le résultat est visuellement ébouriffant. Le personnage de Jobu Tupaki (Stephanie Hsu), incarnation du mal nihiliste rongeant une adolescente pour qui « rien n’a d’importance », arbore des tenues qui soutiennent à merveille le ton absurde du film.
La méchante débarque ainsi en perruque rose et costume immaculé d’Elvis Presley à paillettes, clope au bec et cochon en laisse.
Artisanat
Capable de réduire ses ennemis à l’état de confettis, ce personnage aux personnalités multiples arbore ensuite autant de looks que d’humeurs différentes.
Il y a Jobu, la glaciale, dans sa tenue proprette de golf avec cardigan à carreaux ; Jobu, la sectaire, engoncée dans sa majestueuse robe blanche à col victorien pour vouer un culte à un dieu bagel ; Jobu, la frénétique, avec sa combinaison jaune à épaules d’oursons, tout droit sorti d’un album de K-Pop ; ou encore Jobu en plein craquage, grimée en clown bordélique avec une multitude d’étoffes multicolores.
A la base, ces « changements constants de vêtements ne figuraient pas dans le scénario » des « Daniels », confie Mme Kurata. « Nous avons donc échangé des idées, comme avoir un look de golfeur, ou un look de star de la K-Pop, et c’est ainsi que ce genre de travail collaboratif est né ».
Le film indépendant doit beaucoup à l’ingéniosité de son artisanat: la créatrice a conçu plus de 100 costumes pour ce « multivers » et ses super-héros atypiques, sans jamais faire de croquis.
« Nous n’avions ni temps ni budget », explique l’artiste qui a dû tout préparer en un mois et demi. « Le budget pour l’ensemble de la garde-robe du film était probablement l’équivalent d’un seul costume Marvel. »
Tendance d’Halloween
La costumière qui a travaillé avec des stars comme Billie Eilish, Pharrell Williams et Lena Dunham, n’est pas étrangère aux paillettes d’Hollywood. Mais rien ne pouvait lui permettre de prévoir l’énorme succès d' »Everything Everywhere All At Once ».
Ce film indépendant loufoque est nommé dans 11 catégories aux Oscars, dont celui du meilleur film, après avoir rencontré un franc succès populaire, avec 100 millions de dollars de recettes au box-office.
Mme Kurata ne s’est vraiment rendu compte de son impact que fin octobre 2022, huit mois après la sortie en salles.
« Vous savez que vous avez réussi quand, à Halloween, les gens se déguisent en personnages du film », explique-t-elle. « Et Halloween est arrivé et il y avait tellement de gens déguisés (en Jobu) ! »
Née et élevée à Los Angeles, l’artiste d’origine japonaise a grandi dans une laverie automatique, similaire à celle tenue dans le film par l’héroïne incarnée par Michelle Yeoh. Collaborer sur ce long-métrage, c’était « une concordance parfaite », plaisante-t-elle.
Dès l’enfance, elle nourrit le rêve de devenir designer et apprend à coudre avec sa mère.
Après des études de stylisme au Studio Bercot à Paris, elle s’est fait un nom dans l’industrie californienne du divertissement. A côté de la boutique de vêtements qu’elle a fondée avec son mari designer, elle aime travailler pour le cinéma, grâce à « l’esprit de famille » des plateaux de tournage.
La créatrice est particulièrement fière d’avoir fait partie d’un film innovant, au casting à majorité asiatique.
« Cela a été une grande victoire pour la communauté asiatique », témoigne-t-elle. « C’est tard, mais c’est merveilleux ».
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