Séries : où sont les rôles de dames ?
Candice Renoir, capitaine Marleau et les autres… : les héroïnes de séries télévisées occupent le haut de l’affiche. Mais la condition de la femme…
C’est comme au cinéma ou à la télé, l’avertissement en lettres blanches sur fond noir avant que le film ou la série ne commence. «Ceci est une fiction. Toute ressemblance avec des femmes existant ou ayant existé serait purement fortuite». C’est que, malgré les apparences, le machisme à la vie dure sur les petits et grands écrans.
À l’heure du mouvement #MeToo, les rôles qui sont confiés aux actrices ne sont pas nécessairement le reflet de la condition et des préoccupations féminines. Et ce n’est pas nouveau. Retour sur images.
Samantha, ma bien aimée
«Tiguidiguiding». Petit tintement de clochettes, mouvements du nez de l’actrice : un de mes premiers souvenirs télévisuels. « Ma sorcière bien aimée », c’est l’histoire d’une «Desperate Housewife» du début des années 1960. Le modèle féminin servi aux téléspectateurs est celui d’une femme au foyer modèle, toujours pimpante, épouse parfaite du grand benêt de Jean-Pierre et dotée de pouvoirs spéciaux. Samantha, c’est une fée du logis qui arrange ses soucis comme elle range sa cuisine équipée impeccable et passe son aspirateur dernier cri : d’un coup d’appendice nasal.
Même schéma…
Un demi-siècle plus tard, le schéma, légèrement adapté, fait toujours recette. Samantha s’appelle désormais Joséphine et ce n’est plus une sorcière, mais un ange gardien. Points communs ? Ce ne sont pas des héroïnes du quotidien : elles ont besoin de pouvoirs spéciaux pour exister sur le petit écran. En cinquante ans, rien n’aurait-il changé ? Coup de baguette magique : on retourne en arrière ?
L’âge d’or
Dès 1930, des études de marché observent que ce sont les femmes qui choisissent le film du soir. Comme le rappellent Noël Burch et Geneviève Sellier dans La Revue des médias (*), à partir de ce moment, les producteurs vont éhontément draguer cette cible mieux connue sous le sobriquet de «la ménagère de plus de 50 ans». Pas question de parler de leurs soucis ou de leurs préoccupations quotidiennes : seulement les draguer.
Périodes de féminisation et de machisme vont toutefois se succéder dans les séries et téléfilms. Pour les deux auteurs, la période allant de 1995 à 2010 constitue un véritable âge d’or du téléfilm sur le point de vue féminin : «Certes, les téléfilms sont peu nombreux à aborder frontalement les questions les plus brûlantes de la lutte féministe», mais le nombre de personnages féminins se multiplie.
Sœur Thérèse
Noël Burch et Geneviève Sellier observent cependant qu’à la même époque, «les polars insipides, propices au conformisme social» prennent de plus en plus de place. «Julie Lescaut» et « Une femme d’honneur » ne mettent en scène ni la domination masculine ni les discriminations liées au sexe. «Elles fonctionnent comme une sorte de dénégation de la réalité sociale du milieu qu’elles prétendent décrire». Pour les deux auteurs, la série la plus transgressive au niveau des genres serait «Sœur Thérèse.com» : une religieuse zélée résout les intrigues policières de son ex-gros beauf de mari…
De plus en plus présentes
Aujourd’hui, les femmes sont de plus en plus présentes dans l’écriture de la fiction, «mais la réalisation reste un bastion masculin (…), sans parler des postes de direction dans les chaînes qui décident, in fine, de la vie ou de la mort des programmes». Cela n’empêche pas des séries comme «La Servante écarlate», «Girls» («la série la plus féministe de sa génération») ou «Honour» (quatre avocates en lutte contre le patriarcat) de s’installer sur les écrans. Il faudra plus qu’un claquement de doigts ou un tintement de clochette pour les en déloger.
(*) «Les femmes dans la fiction TV française, une histoire à éclipses», La Revue des médias, INA, 7 mars 2019
Dans votre magazine Télépro paru le 30/7/2020, découvrez l’interview exclusive de Shonda Rhimes, la productrice de «Grey’s Anatomy», qui s’exprime sur le statut des femmes à la télé
Cet article est paru dans le magazine Télépro
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