Sergio Leone : plus à l’Ouest que les Ricains !

Ennio Morricone et Sergio Leone © Arte

Père du western spaghetti, Leone, décédé en 1989 à 60 ans, en reste le maître incontesté. Gravé dans les mémoires comme le plomb dans les vilains, son style génial fit mordre la poussière au système hollywoodien. Ce lundi à 22h20, le documentaire «Sergio Leone, une Amérique de légende» dresse son portrait.

Son nom fait songer aux plaines sablonneuses en plein cagnard où se toisent des héros burinés en sueur… Sergio Leone (1929-1989) continue de pétarader à l’écran avec sept films seulement, mais armés jusqu’aux dents ! Ses décors ne sont peut-être pas un hasard : le réalisateur de «Le Bon, la Brute et le Truand» a mordu longtemps la poussière. Portrait.

Du spaghetti chez les yankees

Très tôt fasciné par cowboys et fusillades, le fils du cinéaste Vincenzo Leone, dit Roberto Roberti, veut lui succéder. Décrochant des jobs d’assistant, le jeune Sergio travaille sur des péplums. Il cherche à se démarquer de ses pairs et des schémas de l’époque, en faisant ses propres films.

Son premier-né, «Pour une poignée de dollars» (1964), signé d’un pseudo anglophone, Rob Robertson, est une révolution : bien qu’italienne, la production se fait aux États-Unis (d’où le nom western spaghetti) et fait de son acteur yankee, Clint Eastwood, une star.

Plus qu’une histoire de bandits, elle reflète forces et faiblesses humaines, avec d’innovants modes d’expression : gros plans, dialogues brefs, regards incisifs et musique «parlante».

Réalité et imaginaire

Cela surprend tout le monde, dont la critique. Leone explique : «Je suis né à Rome, mais j’adore l’Amérique pour son avant-gardisme, plein de contradictions.» Et à un reporter du Time pointant la violence de ses westerns, il réplique : «Regardez cet article sur un jeune Noir abattu par la police. N’avez-vous pas lu votre magazine ? !»

Leone détaille plus tard ses motivations : «J’ai ma méthode, je travaille à l’intuition. Pour moi, le plus grand auteur est Homère (ndlr : poète grec, «L’Iliade» et «L’Odyssée»). Ses récits n’étaient ni tout bons ni tout mauvais et ses héros, juste des humains.»

Et sur sa mise en scène :«Le vrai cinéma est celui de l’imagination. Ce spectacle raconte des problèmes réels. Mais je ne veux pas forcer le public. Soit il profite du divertissement et rentre heureux chez lui. Soit il lit entre les lignes et voit quelles idées s’expriment au-delà des paillettes.»

Bienveillant mais exigeant avec ses acteurs, Leone apprend leurs répliques pour les redire en plateau. Henri Fonda, héros de «Il était une fois dans l’Ouest» (avec Charles Bronson), dit de lui : «C’est l’un des plus grands réalisateurs pour lesquels j’ai joué.»

Lee Van Cleef («Le Bon, la Brute et le Truand») précise : «Perfectionniste, Sergio se promène avec une petite bibliothèque bien illustrée sur l’histoire américaine !»

Jamais sans femme ni musique Leone réserve aussi un bel emploi aux actrices : «Dans les westerns, elles sont des objets. Je n’aime pas ça. Les dames pensent et même, ont des c… Elles doivent avoir une raison d’exister. Dans «Il était une fois dans l’Ouest», tout tourne autour de Claudia Cardinale. Si vous l’en sortez, il n’y a plus de récit !»

D’autres complices sont indispensables : son ami Ennio Morricone et les partitions qu’il crée selon le ressenti de Sergio. «Ennio a souvent composé la mélodie avant que le scénario ne soit écrit. Faire parler un héros avec le regard et des sons au lieu des mots est un travail plus complet.» Leone fait ainsi jouer les thèmes en plateau : «Il est important pour un acteur de plonger dans une ambiance entretenue par la musique.» Le spectateur peut en dire autant !

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 17/12/2020

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