Richard Berry : «J’ai vite éclaté en sanglots» (interview)

Richard Berry : «J'ai vite éclaté en sanglots» (interview)
Julien Vandevenne
Julien Vandevenne Rédacteur en chef adjoint

Il interprète et signe un excellent film choc dont on ne sort pas indemne : «Tout, tout de suite».

Il y a dix ans, Ilan Halimi (23 ans), jeune homme de confession israélite, était enlevé par un groupe qu’on a surnommé le «gang des barbares». À sa tête, Youssouf Fofana espérait une rançon, persuadé que «tous les Juifs sont riches». Ilan fut torturé puis, au bout de vingt-quatre jours, abandonné agonisant le long d’une voie ferrée.

Aujourd’hui, Richard Berry relate ce calvaire dans une fiction vérité bouleversante : «Tout, tout de suite». Confidences.

Ce film est-il votre «Liste de Schindler» à vous ?

Tout à fait, je le revendique totalement ! Mon but est de marquer les esprits. Il est temps de réveiller les consciences, quitte à le faire avec force. On ne peut pas dénoncer les choses graves sans montrer des images prenantes, voire choquantes. Je n’ai pourtant pas cédé, dans ma mise en scène, à la violence physique pure : c’est la violence mentale qui prévaut.

On vous sent pleinement investi dans la peau du père d’Ilan. Vous teniez absolument à incarner André Halimi ?

Sans vouloir paraître prétentieux, je ne vois pas qui mieux que moi aurait pu le faire. J’ai rencontré André, nous sommes devenus très proches. Il m’a apporté énormément. Il me semble que cet homme avait besoin de manifester son soutien à un sujet qui relaterait la souffrance de son fils et irait au plus près de la vérité. Celle-ci passe par la dénonciation d’une société qui aboutit à de telles exactions et barbaries.

L’acteur Steve Achiepo, qui joue Fofana, dit avoir vécu une réelle épreuve…

Pour interpréter un personnage si monstrueux, il faut aller chercher en soi cette violence, cette folie. Pareille hystérie n’étant pas courante, elle est difficile à trouver. J’ai donc poussé Steve dans ses retranchements afin qu’il soit très en colère contre moi. C’était un levier nécessaire. Il l’a tacitement compris et accepté. Au final, son jeu est si bon que sa mère, en larmes après la projection, a dit ne pas avoir reconnu son fils. Cela prouve qu’il a réussi sa composition.

Et comment s’est passé le tournage pour Marc Ruchmann, alias Ilan Halimi ?

Je l’ai aussi beaucoup sollicité. Son jeu a été physique puisqu’il a dû s’exprimer à travers un masque en scotch. Mais je soigne mes acteurs ! Là où Ilan avait été enfermé dans une cave et douché à l’eau glacée, Marc a joué dans une pièce chauffée avec une eau à bonne température.

La scène où vous allez reconnaître le corps du martyre a-t-elle été la plus délicate ?

Oui, ce n’est plus du jeu à ce moment-là. C’est vraiment moi qui exprime toute la douleur que j’ai ressentie à propos de cette tragédie. Tout à coup, il m’a suffi de penser à ce qu’avait pu endurer André Halimi à la morgue, pour éclater très vite en sanglots. C’est venu tout seul.

Que pensez-vous des jeunes de banlieue amenés à verser dans la violence ?

Une grande misère culturelle et sociale est sans doute à l’origine de leurs comportements. Puis, on est au cœur d’une société de consommation et de spectacle leur donnant l’impression qu’ils peuvent avoir tout, tout de suite – d’où le titre de mon film. Ça les amène à considérer les êtres humains comme des objets ou monnaies d’échange. C’est cette faiblesse intellectuelle qui m’inquiète le plus. La valeur humaine n’a plus sa place dans ce monde.

Entretien : Carol Thill

Découvrez ci-dessous la bande-annonce de «Tout, tout de suite» :

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