Pierre Niney : «Savoir brouiller les pistes»
Après «Yves Saint-Laurent» (qui lui a valu un César), il incarne une autre figure mythique : Romain Gary.
C’est une période de grâce que Pierre Niney (28 ans) vit actuellement. Papa depuis quelques jours (sa compagne Natasha Andrews vient de lui donner leur premier enfant), le jeune acteur prodige continue aussi son ascension au cinéma.
Dans «La Promesse de l’aube» (adaptation du roman éponyme), Pierre Niney incarne l’écrivain Romain Gary, émigré polonais devenu français, qui a beaucoup marqué la littérature. Le film met en exergue le lien fusionnel, quasi passionnel, entre Gary et sa mère (incarnée par une époustouflante Charlotte Gainsbourg, dont l’interview est à découvrir cette semaine dans le magazine Télépro). Rencontre.
Quels aspects du récit vous ont touché ?
Les mille et une vies de Gary qui fut aviateur, diplomate, écrivain. Mais surtout, l’amour extraordinaire, démesuré, à la fois toxique et inspirant, entre lui et sa mère.
Qu’admirez-vous chez cet être tourmenté ?
Sa capacité à se mettre en scène, à brouiller les pistes, à donner à sa vie et à ses œuvres une couleur aussi romanesque qu’épique. Puis, son côté mystificateur lorsqu’il a décroché le prix Goncourt pour la seconde fois sous le pseudonyme d’Emile Ajar !
L’une des raisons pour lesquelles vous avez accepté ce rôle, est la présence de Charlotte Gainsbourg…
Depuis «L’Effrontée», elle m’a marqué. J’adore ses choix de comédienne et sa grande sensibilité. Puis, je savais qu’elle allait tous nous surprendre sur le plateau. Elle incarne un personnage terrestre, poignant. Charlotte excelle dans cette composition. Je m’y attendais, mais j’ai été encore plus émerveillé en voyant le film terminé.
Face à cette mère étouffante, son fils est prêt à tout pour qu’elle soit fière de lui. Va-t-il trop loin dans l’abnégation ?
Peut-être aurais-je fait la même chose que lui, mais je n’ai pas assez d’outils et de détails de sa vie pour le savoir. En tout cas, il n’y a pas de remise en question chez Gary, il est à fond dans le sacrifice et la démesure. C’est cela qui est magnifique ! Sa mère lui enjoint d’être un héros et il accepte de l’être.
Outre votre interprétation, vous avez aussi fait la voix off qui accompagne tout le récit. Que ressent-on en lisant du Romain Gary ?
Dire ses textes, c’était du caviar. J’ai adoré ce travail. Pour cela, j’étais seul dans un studio, donc pas dans l’action d’un plateau de tournage mais plutôt dans l’observation et l’accompagnement. Jouer seulement avec la voix est passionnant. Pour ma part, je suis souvent envoûté rien que par le ton d’un acteur ou d’une actrice. Leur prosodie est comme une mélodie.
Cet auteur avait de belles assertions. Avez-vous une citation favorite ?
«C’est très bon de pouvoir imaginer des choses. Parfois, ça va trop loin et ça se casse la gueule. Mais j’ai remarqué qu’il y a quelque chose de pas tout à fait au point dans la réalité !» J’adore cette phrase, elle m’a aidé.
Avant le film, vous aviez déjà pu ressentir l’esprit slave en jouant une pièce en Russie. Quelle impression en gardez-vous ?
J’y ai fait des allers-retours durant deux ans pour les représentations. Là-bas, les acteurs ont un sens du sacrifice incroyable. Ils ne vivent que par et pour leur métier. Tout est très intense et extrême. Cela a enrichi ma formation.
Vous avez aussi donné des cours de théâtre aux USA, à l’Université de Princeton. Comment vous a-t-on perçu là-bas ?
Ils sont persuadés que les Français vivent sur un très vieux continent et que l’on a une histoire théâtrale beaucoup plus dense. J’étais face à un public de conférence très attentif. Et en revenant, je me suis qu’on avait tout de même de la chance d’avoir une aussi grande diversité culturelle, notamment dans le registre du cinéma.
Entretien : Carol Thill
À lire : «La Promesse de l’Aube», Romain Gary, 8,20 € (Folio)
Découvrez la bande-annonce du film :
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