Picasso, croqueur de muses

Image extraite du documentaire diffusé ce vendredi sur La Trois © RTBF/Gédéon

Derrière l’illustre et génial maître de la peinture du XXe siècle se cachait un violent harceleur et violeur qui brisa la vie de nombreuses femmes…

Ses toiles se vendent des dizaines de millions d’euros. Ce que l’on sait moins, c’est que derrière nombre d’entre elles, se cache la souffrance des femmes qui ont partagé la vie de Pablo Picasso (1881-1973), dont La Trois dresse le portrait vendredi à 20h35 avec le documentaire «Picasso, l’inventaire d’une vie». S’il n’est pas question de remettre en question le talent de l’un des pères fondateurs du cubisme, il est une réalité que l’on ignore souvent : Pablo Picasso était «une grosse ordure», comme le qualifie Julie Beauzac, à l’origine de «Picasso, séparer l’homme de l’artiste», podcast multirécompensé au Paris Podcast Festival 2021. Faisons la connaissance de ces muses brisées.

Fernande

Au tout début des années 1900, Picasso s’installe à Paris, où il vit avec Fernande Olivier. Celle qui s’est échappée des griffes d’un mari violent, est modèle de profession et plutôt émancipée pour une femme de son époque. Mais lorsqu’elle s’installe dans son atelier, Pablo, qui n’est pas encore célèbre, lui interdit de poser pour d’autres et l’enferme même à clé en son absence. Les jeunes amants auraient pourtant été heureux ensemble le temps de leur idylle.

Olga et Marie-Thérèse

Très vite sorti de la précarité, Picasso tombe amoureux d’Olga Khokhlova, danseuse dans l’un des ballets pour lesquels il crée des décors. Celle-ci abandonne sa carrière pour épouser le peintre en 1918. Elle lui donne un fils, Paulo. En 1926, Picasso croise la route de Marie-Thérèse Walter. Elle a 17 ans, lui 45. «J’ai envie de faire votre portrait», lui aurait-il dit en la croisant dans la rue. Violée avant chaque séance de travail, elle devient son modèle et lui donne une fille, Maya, en 1935. «C’est une histoire qui est encore trop souvent présentée comme une énième aventure de Picasso qui était un homme à femmes, (…) mais ce que cette histoire raconte avec des termes d’aujourd’hui c’est de la pédocriminalité», affirme Julie Beauzac.

Dora

«Guernica» (1937) est probablement l’une des toiles les plus célèbres de l’Espagnol, qui lui a valu la réputation d’artiste engagé. Mais c’est à sa nouvelle conquête que reviendrait le mérite de l’idée : Dora Maar, intellectuelle et photographe à succès. Comme les autres, il finit par la mettre sous son joug, la poussant à arrêter la photo, art dans lequel elle excelle pourtant, pour se mettre à la peinture. Et puis, il la bat. À cette époque, il la prend pour modèle pour peindre plus d’une cinquantaine de portraits intitulés «Femme qui pleure». Dora fait des crises de colères, Pablo l’envoie chez le psychiatre Jacques Lacan, qui la fait interner et la soumet à des électrochocs. Dora finit sa vie recluse.

Françoise et Jacqueline

Au début des années 1940, Dora est remplacée par Françoise Gilot, peintre trois fois plus jeune que Picasso. Talentueuse, elle projette de se consacrer entièrement à sa carrière, sur le point de décoller. Mais sous la pression de son amant, elle la relègue au second plan et se retrouve mère de deux enfants. Françoise se différencie des autres, elle finit par partir, «parce que ce n’était plus tenable. Ni pour mes enfants ni pour moi. Quand Picasso a passé le cap des 70ans, ma jeunesse lui devenait insupportable. Il était agressif et désagréable. Moi, j’avais changé aussi. Je n’étais plus la discrète conciliante que j’étais autrefois», confiait-elle à Paris Match. Blacklistée par le marché français, elle s’installe, avec succès, aux États-Unis. À l’époque, il la trompe déjà avec Jacqueline Roques, de 45 ans sa cadette. Elle sera sa compagne durant les vingt dernières années de sa vie.

Naufrage

Lorsque Pablo meurt le 8 avril 1973, Jacqueline empêche ses enfants, petits-enfants et Marie-Thérèse Walter d’assister aux funérailles. Ignoble jusqu’au bout, le peintre s’en va sans laisser de testament, ouvrant la voie à une guerre d’héritage : «Quand je mourrai, ce sera un naufrage», avait-il prédit. À raison. Le matin de son enterrement, son petit-fils Pablito essaye de se suicider en ingurgitant une bouteille d’eau de javel et meurt à l’hôpital trois mois plus tard. Paulo, alcoolique et souffre-douleur de son père, meurt d’un cancer du foie deux ans plus tard. Marie-Thérèse Walter se pend en 1977 tandis que Jacqueline Roque se tire une balle dans la tête en 1986. «Il laisse un cimetière derrière lui», résume Marina, sa petite-fille.

Cet article est paru dans le Télépro du 23/3/2023

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