Phoebe Waller-Bridge, actrice décalée, scénariste demandée

Phoebe Waller-Bridge, actrice décalée, scénariste demandée
AFP

Elle triomphe aux Etats-Unis avec la série « Killing Eve », revient dans la deuxième saison de « Fleabag » et va reprendre le script du nouveau James Bond: la Britannique Phoebe Waller-Bridge se démultiplie, portée par un jeu décalé et une plume corrosive.

« PWB », c’est d’abord une allure. Celle d’une trentenaire élancée, qui frôle le mètre quatre-vingt, carré brun court, nez effilé, élégante, immanquable dans le paysage télévisuel.

Il y a aussi cette voix grave, ce débit de mitraillette, ce rire toujours au coin des lèvres, qui habitent « Fleabag », la série tirée de son « one woman show » éponyme et dont elle est l’héroïne.

Derrière ce personnage, mélange très britannique, comme elle, d’une éducation impeccable et d’un sens aigu de la dérision, il y a une écriture affûtée, la sienne, qui explique son ascension bien plus que son seul jeu d’actrice.

Dans « Fleabag », dont la seconde saison sera mise en ligne le 17 mai sur la plateforme Amazon, Phoebe Waller-Bridge offre un cocktail détonnant d’humanité sans filtre, avec de l’humour irrévérencieux, du sexe, de la noirceur, mais rien de gratuit.

« Mon idée de départ, c’était de dire les choses que les femmes ne disent pas ouvertement d’habitude », expliquait-elle dans un entretien au site Broadway World, début mars, avant une série de représentations de « Fleabag », la pièce, à New York.

« Nous faisons toujours comme si nous étions innocentes et adorables, ces petites créatures parfaites », disait-elle, « mais en réalité, nous avons beaucoup, beaucoup d’autres facettes. »

Fleabag, jeune femme en révolte contre les conventions et contre elle-même, est fêlée, parfois auto-destructrice, mais son personnage ne tombe jamais dans la caricature.

Phoebe Waller-Bridge « ne s’excuse pas de présenter une héroïne imparfaite », renchérit, dans un entretien à l’AFP, Andrew Scott, l’un des personnages principaux de la saison 2.

« Compréhension de l’humain »

Ce ton est à ce point dans son époque que Canal+ a commandé une adaptation française, « Mouche », avec Camille Cottin (vue notamment dans « Dix pour cent ») dans le rôle principal.

L'actrice Phoebe Waller-Bridge à Pasadena, le 13 février 2019 en Californie

Il n’en fallait pas plus pour que la Britannique soit érigée en héroïne féministe, régulièrement comparée à une autre scénariste et actrice, l’Américaine Lena Dunham, dont l’univers est pourtant très éloigné.

« Parce que c’est une femme qui l’a écrite, on souligne que c’est une série féministe, mais je pense que parfois, cela sape le travail effectué », considère Andrew Scott. « Je pense que son talent et son don, c’est sa compréhension de l’humain. »

Cette dimension féministe est aussi renforcée par sa propension à offrir à d’autres actrices des rôles denses, eux aussi plein de contradictions.

C’est le cas dans « Fleabag », où rayonne Olivia Colman, récemment oscarisée pour « La Favorite », en belle-mère passive-agressive. Ou, dans la série « Killing Eve », des actrices Jodie Comer et Sandra Oh, cette dernière ayant reçu un Golden Globe pour sa prestation.

Alors que la deuxième saison de « Fleabag » s’annonce et que celle de « Killing Eve » est actuellement diffusée sur BBC America aux Etats-Unis et Canal+ en France, Phoebe Waller-Bridge s’est déjà envolée vers d’autres horizons.

Elle a été appelée au chevet du script du 25e opus des aventures de James Bond, à la demande expresse de 007 lui-même, à savoir le comédien Daniel Craig, qui voulait voir davantage d’humour dans ce film attendu en salle en avril 2020.

Ensuite, viendra une nouvelle série, « Run », commandée par HBO, écrite avec sa complice de toujours, Vicky Jones, et qui mettra en scène une femme en quête de réinvention.

Pour « Fleabag », c’en est sans doute fini, a-t-elle laissé entendre, après une seconde saison au ton moins abrasif.

« C’est plus profond », résume Andrew Scott au sujet des six nouveaux épisodes. Fleabag y tombe amoureuse d’un prêtre, joué par Scott, qui éprouve aussi des sentiments pour elle.

« Nous voulions raconter une histoire d’amour inhabituelle », dit-il « et parler de religion d’une façon attractive pour les gens de notre génération. »

Phoebe Waller-Bridge a renoncé à une partie des artifices déstabilisants de la première saison et va plus loin dans l’émotion avec, en main, son arme favorite, l’humour.

Elle « joue comme personne sur le comique de l’embarras », disait d’elle, sur la radio en ligne SiriusXM, la comédienne britannique Fiona Shaw, qui apparaît à la fois dans « Killing Eve » et « Fleabag ».

« Vous êtes en train de rire, et elle va dire quelque chose de très triste » ou l’inverse, dit-elle. « Donc vous vous prenez constamment des coups dans l’estomac ».

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