Peter Lindbergh, le photographe qui mettait les femmes en lumière
Il a contribué à l’émergence des super-modèles dans les années 90 et a marqué le monde de la mode avec ses portraits sans fards, souvent en noir et blanc, de stars et de mannequins: à 74 ans, le photographe allemand Peter Lindbergh est décédé.
« Je retouche très peu mes images, je ne veux pas déformer ni massacrer les femmes », expliquait le photographe fasciné par « la géographie » des visages, devant des étudiants se destinant aux métiers de la mode il y a quelques années.
Et les femmes le lui rendaient bien: Kate Moss, Naomi Campbell, Linda Evangelista, Milla Jovovich côté mannequins, Nicole Kidman, Isabelle Huppert ou encore Julianne Moore lui accordaient une entière confiance, s’abandonnant devant son objectif.
« Considéré comme un pionnier dans son art, (Peter Lindbergh) a su redéfinir la photographie de mode contemporaine et ses standards de beauté en sublimant les femmes de tout âge », souligne mercredi le communiqué de sa famille annonçant son décès survenu mardi, sans donner plus de précisions sur le lieu ou les circonstances.
De nationalité allemande, Lindbergh, né en novembre 1944 à Leszno en Pologne, a accédé à la célébrité en collaborant avec de nombreuses revues (Vogue, Vanity Fair, Harper’s Bazaar…), en participant à un grand nombre de campagnes publicitaires ainsi qu’au fameux calendrier Pirelli.
Il venait tout juste de participer au numéro de Vogue UK de septembre, avec la duchesse de Sussex comme rédactrice en chef. Un numéro pour lequel il a immortalisé une série de femmes fortes, de la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern à la jeune activiste suédoise Greta Thunberg.
En noir et blanc, comme à son habitude. « Le film noir et blanc a une autre façon de refléter la peau. On remarque alors le moindre détail, et la photo devient très vite un portrait », racontait-il dans une interview à Paris Match.
– Images expressionnistes –
Ses portraits en noir et blanc, sur fond de paysages industriels ou de plages, étaient devenus la marque de fabrique du photographe qui avait contribué à l’éclosion du phénomène des super-modèles dans les années 90 en photographiant « au naturel » de jeunes stars des podiums: Naomi Campbell, Cindy Crawford, Claudia Schiffer, Linda Evangelista ou encore Kate Moss.
C’est en 1988 que Peter Lindbergh avait fait décoller les carrières d’une nouvelle génération de mannequins, avec une image les représentant toutes en chemise blanche sur la plage de Malibu, aux Etats-Unis. Mais l’éditrice de Vogue qui avait commandé les photos n’était pas satisfaite de ce look sans artifices.
L’image finit à la poubelle jusqu’à ce que la célèbre Anna Wintour reprenne les rênes du magazine et fasse appel à lui pour sa première couverture. Parmi les mannequins sur la plage se trouvaient Linda Evangelista, Christy Turlington et Tatjana Patitz.
« Te faire sortir de ta coquille » a toujours été au centre de son travail, expliquait cette dernière en 2016 à l’occasion de l’exposition consacrée à Lindbergh à Rotterdam (Pays-Bas).
Pour Karen Alexander, seule mannequin noire à figurer sur la photo de 1988, « Peter te faisait sentir que tu avais le droit d’être là, que tu méritais d’être là ».
La famille de Peter Lindbergh avait fui la Pologne alors qu’il était bébé pour s’installer à Duisbourg, dans l’ouest industriel de l’Allemagne.
Passionné de sculpture, de Giacometti notamment, il avait étudié à l’Académie des Beaux-Arts de Berlin avant de s’intéresser à la photographie à l’âge de 27 ans. D’abord assistant photo, il devint indépendant en 1973.
Cinq ans plus tard, il est embauché par l’hebdomadaire allemand Stern, qui collaborait à l’époque avec des grands noms comme Helmut Newton et Guy Bourdin. Il s’installe à Paris à la fin des années 70.
Facilement reconnaissable, son style très expressionniste, doit beaucoup à son amour du 7e art, des films allemands d’avant-guerre (« L’Ange Bleu », « Metropolis ») au cinéma de son compatriote Wim Wenders (« Les Ailes du désir ») en passant par « Stranger than paradise » de Jim Jarmusch, lui aussi en noir et blanc.
Marié à la photographe allemande Petra Sedlaczek, Peter Lindbergh était le père de quatre fils.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici