Paul Newman : l’homme qui ne s’aimait pas

Paul Newman était persuadé d’être un acteur médiocre et il pestait contre ses yeux bleus au point de porter parfois des lentilles de contact brunes... © RTBF/French Connection Films

Séduisant, affable, travailleur, philanthrope, Paul Newman s’est distingué par ces qualités. Mais une récente biographie (*) révèle qu’il doutait de tout. Y compris de lui-même. Ce mercredi à 22h25, La Trois dresse son portrait avec le documentaire «Paul Newman, derrière les yeux bleus».

Beau gosse appartenant au «New Hollywood», génération qui succéda à Cary Grant, James Stewart et Humphrey Bogart, Paul Newman (1925-2008) fut l’égal de Robert Redford (avec qui il tourna «Butch Cassidy et le Kid»), Dustin Hoffman et Steve McQueen (à qui il donna la réplique dans la mythique «Tour infernale»). Il reçut même l’étiquette de Mr Perfect.

Aujourd’hui pourtant, quinze ans après sa disparition, une biographie, établie à partir de ses confessions enregistrées de 1986 à 1991 et transcrites par son ami Stewart Stern, stupéfie les cinéphiles.

Déséquilibre émotionnel

Selon la légende, Paul Newman aurait rassemblé et brûlé une partie des enregistrements. La star savait que Stern en avait des copies écrites. Il autorisa ses enfants, par testament, à les diffuser. Selon l’une de ses filles, Claire Olivia, témoin de ses années d’introspection, la préparation du livre fut «une thérapie». Car Paul en avait gros sur le cœur.

«Je n’ai reçu aucun soutien émotionnel de la part de qui que ce soit», disait celui que sa mère aurait trop couvé. «Elle m’a bercé tel une poupée, bourré de chocolat comme un petit chien, étouffé sous les caresses», confiait l’acteur.

Par opposition, il refuse de rendre l’affection, développe une carapace d’indifférence protectrice. Et anesthésie son manque de confiance par l’alcool et une passion pour le danger et la vitesse des courses automobiles.

Acteur et père torturé

Malgré une carrière exceptionnelle, Newman refuse aussi la gloire. Attribuant la chance de ses débuts au décès prématuré de James Dean, il confesse : «Je n’ai jamais considéré mes performances comme des succès. (…) Je n’ai jamais eu le sens du talent, j’étais toujours un suiveur. (…) Je ne courais vers rien, je fuyais quelque chose.»

Pareils doutes le taraudent dans sa vie familiale, s’amplifiant à la mort par overdose de son fils Scott, 28 ans, en 1978 : «J’ai eu des remords de ne pas avoir assez communiqué avec lui. Plusieurs fois, je lui ai demandé pardon. (…) J’ai songé à me mettre une balle dans la tête pour débarrasser Scott de « l’affliction que j’étais ». Je n’étais pas préparé à être parent. (…) Je n’aurais pas voulu être l’un de mes enfants !»

Mais Claire Olivia précise : «Mon père travaillait beaucoup, était souvent absent. Mais quand il était à la maison, c’était un grand enfant. Il aimait jouer et nous jeter dans la piscine. Il était amusant !»

On ne saura sans doute jamais pourquoi Paul Newman cultiva cette autodépréciation. Ni si son statut de grand philanthrope – il avait créé les sauces Newman’s Own pour en reverser tous les bénéfices à des associations caritatives –, l’avait aidé à avoir une meilleure image de lui…

(*) Paul Newman, David Rosenthal «Paul Newman : The Extraordinary Life of an Ordinary Man», 320 pages, 2022 (Éd. Knopf). Le livre n’est pas encore paru en français.

Cet article est paru dans le Télépro du 29/12/2022

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