Notre rencontre avec Johnny Hallyday (vidéos)
À 70 ans, le rockeur renoue avec le 7e art pour Claude Lelouch dans «Salaud, on t’aime».
À l’occasion de la sortie du dernier Lelouch, nous avons rencontré Johnny Hallyday qui y campe un reporter de guerre. Dans ce rôle principal, il offre une interprétation étonnante. D’ailleurs, Johnny l’avoue lui-même : «Salaud, on t’aime» est sa meilleure expérience cinématographique depuis «L’Homme du train» (de Patrice Leconte, 2002). Confidence compréhensible puisque l’idole a pu y déployer l’éventail de tous les sentiments : bonheur, amertume, peur, doute, émotions d’amour, d’amitié et de paternité.
Johnny Hallyday :
«J’ai été au bord des larmes !»
Comment Johnny choisit-il ses rôles au petit et au grand écran ?
Déjà, j’attends qu’on me propose des films ! (Sourire) Je ne tourne pas avec n’importe qui. Grâce à Dieu, le 7e art francophone a de très bons metteurs en scène. En France, et en Belgique aussi – le cinéma belge est très beau. Mais pas question de faire n’importe quoi. Je dois avoir une confiance totale dans le scénario et le réalisateur.
Ici, vous semblez sortir d’un tournage très fort !
Oui, j’y ai trouvé le bonheur, le vrai. Jouer avec Leconte ou Godard était intéressant. Avec Lelouch, c’est du plaisir pur. C’est le papa de chaque acteur sur le plateau. J’ai la chance de le connaître depuis longtemps, être pris sous son aile ne pouvait donc être que formidable. Nous avons en commun d’être des gars optimistes. Lelouch ne s’énerve pas et profite de tout : pluie ou soleil, pour lui, c’est toujours génial. Il faut tourner, saisir la beauté de chaque instant.
Vous incarnez un reporter de guerre. Votre avis sur ce métier ?
Mon personnage, Jacques, est un mec courageux, un héros. Il va au front, comme les soldats. Seule différence : il n’a pas d’arme pour se défendre. Ce type mitraille juste les gens avec un appareil de photo. J’ai préparé ce rôle dans ma tête avant le tournage, pour pouvoir ensuite être libre dans mon jeu. Au cinéma, contrairement au théâtre, je choisis de mémoriser les dialogues, puis de les oublier.
«J’ai pris l’émotion en pleine tronche»
Au milieu du récit, un gros plan vous montre chamboulé, votre personnage déclare : «J’ai raté ma vie». Votre émotion est-elle authentique ?
A 100 % ! J’ai été cueilli par la réaction de colère de la jeune actrice qui joue ma fille (Jenna Thiam). Cette séquence n’était pas dans le scénario, je ne m’attendais pas à ce moment de haute tension. Je l’ai pris en pleine tronche, comme si ça venait d’une de mes propres filles. Et puis, on se dit tous, un jour : «J’ai tout raté». Il y a des instants où la vie nous paraît belle, réussie. Et d’autres où c’est la catastrophe. En fait, ça dépend de notre humeur, de ce qui vient de se passer juste avant.
Cette réplique semble si vraie…
Elle est venue toute seule. J’étais au bord des larmes, gagné par l’émotion de la scène et de l’ambiance sur le plateau. Ça m’est venu naturellement, car c’est ce que j’aurais dit si pareil événement était arrivé dans mon existence. Claude Lelouch est doué pour provoquer et saisir de véritables moments de vie dans ses films. J’admire ce talent !
Comment s’est passé la scène où, avec Eddy Mitchell, vous visionnez «Rio Bravo» ?
Superbement bien. Avec lui, tout roule. En plus, à chacune de mes visites chez Eddy, il me passe la cassette de ce film. Je n’étais donc pas dépaysé ! Claude ignorait cette anecdote. Se retrouver face à notre western préféré a été pour Eddy et moi une belle coïncidence. Seul embarras de cette scène : on joue des types qui ne savent pas chanter. Quand nous fredonnons la chanson de Dean Martin et Ricky Nelson, il a fallu chanter faux ! Mais on s’est bien débrouillés, puisque chanter juste est quand même plus difficile !
«Je suis fier d’être un homme à femmes !»
Le film parle des femmes : les épouses, les amantes, les filles. À 70 ans, que pensez-vous connaître de la gente féminine ?
Elle n’a jamais été un mystère, car j’ai vécu entouré de dames. Elles sont plus futées que nous. Quand un type se dit «Tiens, j’ai réussi à draguer», en fait, ce n’est pas lui qui a choisi, c’est sa petite amie. Les femmes sont intelligentes, elles parviennent à nous faire croire que nous sommes les décideurs ! Ma tante Hélène, la sœur de mon père, me couvait et me répétait «Méfie-toi des filles». Je ne l’ai pas écoutée, mais ça ne s’est pas trop mal passé pour moi !
Pensez-vous avoir acquis la recette pour faire durer une relation ?
Un mec doit repérer non pas la femme idéale, mais celle qui lui convient. Lelouch et moi l’avons longtemps cherchée. Chacun de nous a enfin trouvé la sienne. On est des hommes à femmes : elles nous ont tout appris. Et on en est fiers. Je suis entouré d’un fils, mais aussi de trois filles. Plus ma femme. Ça ne me change pas de mon enfance bercée par les jupons !
Le film évoque les relations père-fille. Un papa réagit-il différemment envers sa fille ?
La tendresse est sans doute différente. Comme le dit Claude, on pardonne tout à une fille, même le pire. Laeticia me lance souvent : «Quand même, tu pourrais être plus sévère avec Jade et Joy !». Mais je ne peux pas me fâcher, je n’y arrive pas ! (Rire). J’ai toujours été un papa gâteau et gâteux, y compris avec Laura quand elle était petite, même si après le divorce d’avec sa maman, on n’a pas toujours vécu ensemble.
«J’ai été petit rat à l’opéra !»
L’une de vos chansons dit : «Qu’on me donne l’envie d’avoir envie». Et vous, qu’est-ce qui vous donne envie de continuer, tant dans la musique qu’au cinéma ?
L’amour du métier, l’amour du public. J’aime avoir des projets, me renouveler. J’ai grandi dans une famille de danseurs. La danse demande de la discipline. Malgré leur apparence légère, les danseurs sont élevés à la dure. Peu de gens le savent : dans mon enfance, j’ai été petit rat à l’Opéra de Paris, dans la classe de Serge Lifar (mythique directeur de ballet, ndlr). J’y ai appris à me forger le caractère. Voilà pourquoi j’aime la rigueur. Elle est nécessaire dans le monde du spectacle.
Le résultat de votre travail à l’écran vous satisfait-il ?
Je n’aime pas me regarder, c’est assez douloureux. Je suis critique et me trouve des tas de défauts. Heureusement, le public me rassure quand il dit avoir complètement oublié Johnny pour ne voir que l’acteur. C’est le plus beau des compliments ! Car, moi, au quotidien, je ne vis pas avec Hallyday, mais avec Jean-Philippe Smet ! (Sourire) Je me sers de Johnny sur scène. J’ai souvent eu envie de mettre mon vrai nom au générique des films.
Êtes-vous heureux de mener une vie de star ?
Je n’ai jamais rêvé d’être une vedette. Je voulais vivre le moment présent en faisant tout ce qui me plaisait. Il n’y avait aucun plan, aucune feuille de route, dans mes poches. J’ai partout fonctionné à l’instinct : dans l’existence, sur scène et au cinéma.
«Aux USA, Jade et Joy ne sont pas les « filles de »»
N’y a-t-il pas un prix à payer pour ce bonheur ?
Non… Enfin, peut-être. Mais je ne le prends pas comme une rançon de la gloire. Pour moi, exister, c’est insister. J’ai toujours suivi ce principe.
Continuerez-vous à vivre en famille, principalement aux États-Unis ?
Oui, je préfère les USA, j’y suis plus tranquille. Mes filles vont à l’école là-bas. Je ne veux pas qu’elles tombent dans les excès réservés aux enfants de star. Pas question qu’on leur dise : «Vous êtes les « filles de »». Les mômes peuvent être si cruels entre eux.
Quel regard posez-vous sur le parcours de votre fille aînée, Laura ?
Pendant plusieurs années, elle a été si mal… Je me suis beaucoup inquiété. Aujourd’hui, je suis vraiment rassuré. Et très heureux qu’elle aille bien. Laura recommence à tourner. Tant mieux. Comme sa mère, c’est une sacrée bonne actrice, une femme superbe. Ce serait sympa de tourner avec elle, j’adorerais ça. Mais je ne peux ni jouer son compagnon, ni son père – ça ressemblerait trop à notre vie. Il va falloir trouver une idée de scénario originale !
Entretien : Carol THILL
À voir actuellement en salles :
«Salaud, on t’aime», de Claude Lelouch (France, 2014, 124 min), avec Johnny Hallyday, Eddy Mitchell, Sandrine Bonnaire.
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