Noms de noms : le choix d’un pseudo de s’improvise pas
«La pseudonymie est l’ultime liberté», affirme le psychiatre français Michel Neyraut. «Elle correspond à un changement de personne sans dépersonnalisation !» Voyons donc pourquoi Stefani Joanne Angelina Germanotta, Vincent Crochon, Neta-Lee Hershlag et Sophie Maupu ont fait ce choix…
Depuis Internet et son cortège de blogs et de réseaux sociaux, les pseudonymes ou noms d’emprunt sont légion. Drôles, savamment réfléchis, véhiculant un message ou un hommage, ils n’étonnent plus grand monde. Un contraste de taille avec jadis, puisqu’au XVIIe siècle, ceux qui changeaient de nom étaient taxés de faussaires ! Deux cents ans plus tard, on les accusa même d’abuser de la «bonne foy» d’autrui. Quels sont donc les «mystificateurs» d’aujourd’hui ? Et à qui la palme de l’originalité pourrait-elle revenir ?
Comment dites-vous ?
Nombre de stars ont allégé leur nom de naissance. Pour simplifier. Ou éviter un effet pompeux. Et ont ainsi suivi les traces de leurs illustres aînés tels Fred Astaire (Frederick Austerlitz), Lauren Bacall (Betty Joan Perske), Kirk Douglas (Issur Danielovitch Demsky), Charles Bronson (Charles Dennis Buchinski) ou Woody Allen (Allan Stewart Konigsberg). Et que le dernier ferme la porte… Afin de marquer la mémoire de leurs fans, Thomas Cruise Mapother IV, fils de Thomas Cruise Mapother III, est devenu Tom Cruise. Kiefer William Frederick Dempsey George Rufus Sutherland n’a gardé que Kiefer Sutherland. Emilia Isobel Euphemia Rose Clarke a choisi Emilia Clark et Poppy Petal Emma Elizabeth Deveraux Donaghue a opté pour Poppy Montgomery ! Les vedettes francophones ont aussi joué la sobriété, comme Léa Seydoux, alias Léa Hélène Seydoux-Fornier de Clausonne, et notre Jean-Claude Van Damme national, né Jean-Claude Camille François Van Varenberg !
Cache-cache glamour
Parfois, nécessité fait loi. L’esthétique et la phonétique aussi. Les père et fils Jean-Pierre et Vincent Crochon ont séduit le public avec le pseudo Cassel . Cécile (Crochon) Cassel, petite sœur de Vincent a fait bref avec HollySiz, comme son frérot Mathias , alias Rockin’Squat. Parmi nos célébrités belges, feue Claudine Luypaerts fut plus vibrante sous le pseudo de Maurane, Lara Crokaert séduit toujours son public sous celui de Lara Fabian et Wanda Maria Ribeiro Furtado Tavares de Vasconcelos s’est inspirée de la bande dessinée Barbarella, de Jean-Claude Forest, pour se rebaptiser Lio. D’autres séduisantes stars semblent avoir aussi fait un choix plus «smart», comme Sophie Marceau (Sophie Maupu), Jennifer Aniston (qui remplace Anastassakis) et Demi Moore (Demetria Gene Guynes). Robert Luchini est plus sémillant en Fabrice et Walter Willison en Bruce Willis.
Hommages porte-bonheur
Changer de nom permet à certains artistes de souligner leur admiration pour leurs homologues. Stefani Joanne Angelina Germanotta s’est muée en Lady Gaga, clin d’œil au hit du groupe Queen, «Radio Ga Ga». La diva explique : «J’ai débuté sous mon vrai nom, puis j’ai voulu me réinventer. Lady a de belles connotations et Gaga, c’est un peu fou. Voilà la description parfaite de qui je suis !» L’actrice, danseuse, mannequin et chanteuse, née Heather Renée Sweet, a pris le prénom de Dita en référence à la comédienne allemande des années folles, Dita Parlo (née Gerda Olga Justine Kornstädt), et a choisi le nom de Von Teese dans… le bottin !
Les passions d’enfance devant les premières idoles ont aussi aidé des artistes à se réaliser pleinement sous une autre identité : Claude Moine s’est baptisé Eddy Mitchell , inspiré par Eddie Constantine, Hervé Forneri, alias Dick Rivers, a trouvé son pseudo après avoir vu le film «Amour frénétique» où Elvis Presley tenait le rôle de Deke Rivers. En stand-up puis au cinéma, Daniel Hamidou s’est imposé en Dany Boon, clin d’œil à Daniel Boone, le héros trappeur d’une série américaine homonyme des années 1960.
Transgresser la censure
Se soustraire au devoir de réserve a motivé des célébrités à (re)naître sous d’autres appellations. Juste avant de publier «Bonjour tristesse», roman sulfureux pour l’époque, Françoise Quoirez a promis à son père bien-aimé d’occulter le nom familial. Et emprunté celui de la princesse de… Sagan ! «Le pseudonyme est une manière de transgresser l’ordre social en ménageant toutes les parties», confie l’écrivain Philippe Sollers (né Joyaux). «Et de s’affranchir de l’assignation familiale. Être le seul à porter son nom joue en faveur de la levée de l’autocensure !» Ou de la préservation de l’intimité.
Des VIP ménagent ainsi les liens familiaux sur la place publique. L’actrice Natalie Portman, née Neta-Lee Hershlag, en hébreu traditionnel, a pris le patronyme de sa grand-mère, Portman, et américanisé son prénom sans trop se couper de ses origines. Catherine Zeta-Jones a ajouté Zeta, aussi en hommage à sa mamie. Catherine Deneuve, elle, a laissé à sa sœur, Françoise Dorléac, le patronyme familial et adopté le nom de jeune fille de leur mère.
Souvenez-vous de moi !
Un pseudonyme unique et percutant cultive l’originalité. Et est peut-être un aller simple pour la postérité : Rihanna (Robyn Rihanna Fenty), Madonna (Madonna Louise Ciccone). Puis, plus proche de nous, Soprano (Saïd M’Roumbaba) ou «notre» Angèle (Van Laeken). Sans oublier la reine Beyonce (Beyonce Giselle Knowles) qui adore varier ses identités – elle fut un temps Sacha Fierce (féroce, ndlr) – et assure : «Ces autres personnalités prennent le dessus sur scène, c’est plus sensuel et plus audacieux !»
Cet article est paru dans le Télépro du 3/02/2022.
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