Mort de Roland Castro, architecte très politique et figure de mai 68
D’Emmanuel Macron à Anne Hidalgo, le monde politique a rendu hommage à l’architecte et militant de gauche Roland Castro, qui voulait « remodeler » les cités bétonnées des grandes villes, décédé jeudi à l’âge de 82 ans.
« Il est mort paisiblement, très entouré par la famille, dans un hôpital parisien », a annoncé sa fille Elisabeth Castro à l’AFP.
Figure de Mai 68, personnage haut en couleurs, visage rieur, Roland Castro avait fait de l’architecture un combat politique contre « l’apartheid » des cités. Et c’est avant tout pour son engagement qu’il a été salué vendredi par des élus de tous bords.
A commencer par Emmanuel Macron, qui l’avait convaincu de rallier sa cause en 2017 et 2022. « Légende de l’architecture et de l’urbanisme, militant de gauche visionnaire, Roland Castro nous a quittés. À notre paysage urbain, il lègue une empreinte indélébile. Aux citoyens, une inspiration. Au revoir et merci, Roland », a tweeté le chef de l’État.
La maire socialiste de la capitale Anne Hidalgo a promis que « Paris lui rendra hommage » et regretté « cet ami chaleureux, de tous les combats et qui a eu tant de vies ».
« L’oeil toujours pétillant, le verbe haut, intelligent, l’humour dévastateur, Roland était un +personnage+ parfois excessif mais surtout attachant… salut camarade ! », a tweeté l’Insoumis Alexis Corbière.
Son dernier projet était de « réenchanter » la célèbre « Croisette de Cannes », a rappelé le maire LR de la ville, David Lisnard, soulignant « sa vision engagée, résolument moderne et ses réalisations (qui ont) marqué l’histoire française de l’urbanisme ».
Les milieux de la culture lui ont également rendu hommage. « Personnage si familier de toute une génération, ce vigilant gardien de l’utopie va tant nous manquer », a commenté Jérôme Clément, l’ancien patron d’Arte.
Michel Field, directeur culture et spectacle vivant de France Télévisions, a regretté un « pionnier à l’orée des 70′ sur le genre et les minorités, aussi bien que sur les banlieues et la périphérie, qui revendiquait la force de l’utopie ».
Parmi ses amis, l’ex-juge d’instruction Éric Halphen a témoigné des « soirées à refaire le monde en buvant quelques verres, nous engueulant et riant ».
– Lien social –
On doit à Roland Castro, entre autres, la rénovation de la Cité de la Caravelle à Villeneuve-la-Garenne, la Cité de la bande dessinée à Angoulême et la Bourse du travail de la ville de Saint-Denis. Mais aussi le premier hôtel branché Mama Shelter, à Paris.
Connu pour ses coups de gueule, il avait milité dans les rangs maoïstes en mai 68 avant de fonder un groupuscule d’extrême-gauche, libertaire et de tous les combats, y compris les droits des homosexuels.
Il s’était ensuite recentré sur son métier d’architecte au service d’un idéal: retisser le lien social et « convaincre que les banlieues ne sont pas des fourre-tout pour exclus de la société ». S’opposant au rigorisme des héritiers de Le Corbusier, il rénove et rebâtit des cités. Sans jamais trop s’éloigner de la politique.
En 1983, il co-fonde « Banlieues 89 » avec son ami l’urbaniste Michel Cantal-Dupart. L’initiative remonte jusqu’à François Mitterrand, qui confie une mission interministérielle à Roland Castro. Mais l’opération se confronte à la frilosité financière du gouvernement et « Banlieues 89 » disparait en 1991.
Tantôt mitterrandien, tantôt soutien du PCF, l’architecte sera critiqué pour avoir, dans les années 1990, mené un plan de lutte contre la ségrégation urbaine, à la demande du RPR Charles Pasqua.
Éphémère aspirant candidat à la présidentielle de 2007, il avait créé son propre parti, le « Mouvement pour l’Utopie Concrète », sans récolter les parrainages nécessaires.
Il avait ensuite participé pour Nicolas Sarkozy à la rédaction d’un projet pharaonique pour le Grand Paris, resté lettre morte. En 2017, il a de nouveau réalisé un rapport sur ce projet, lui aussi sans lendemain.
Né le 16 octobre 1940 à Limoges d’un père juif de Thessalonique et d’un mère juive espagnole, Roland Castro a vécu ses premières années caché dans un maquis communiste du Limousin, en gardant l’idée qu’il devait s’acquitter d' »une dette d’existence envers la France ».
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