Mort de Paul-Loup Sulitzer, roi déchu des best-sellers financiers

L'écrivain Paul-Loup Sulitzer au Festival de Cannes, le 19 mai 2024

Auteur à succès de thrillers politico-financiers dans les années 1980-1990, Paul-Loup Sulitzer, décédé jeudi à l’âge de 78 ans, était un redoutable homme d’affaires jusqu’à ce que des revers de fortune le ruinent.

PLS (ses initiales) a signé une quarantaine d’ouvrages, surtout des fictions ressemblant à des « westerns financiers », vendues à 60 millions d’exemplaires, certaines dans le monde entier. Plusieurs ont été adaptées en BD à succès.

Mais jusqu’à quel point en était-il vraiment l’auteur ? Car son nom était depuis longtemps associé à la mise en place d’un efficace « système » – dénoncé dès 1987 par l’écrivain et critique Pierre Assouline et le journaliste Bernard Pivot – consistant à construire et rédiger ses ouvrages entouré de collaborateurs et à soigner tout particulièrement marketing et publicité. 

Il avait été obligé d’admettre ces accusations, se qualifiant finalement de « metteur en livre » plus que d' »auteur ». 

Né le 22 juillet 1946 à Boulogne (Hauts-de-Seine), Paul-Loup Sulitzer démarre sa vie active en étant créateur-importateur de porte-clés. Il n’a pas 20 ans et le voilà dans le livre Guinness des records en qualité de « plus jeune PDG de France ». Ambitieux et inventif, il amasse déjà beaucoup d’argent.

On le retrouve plus tard consultant international, expert en matière d’implantation d’entreprises aux États-Unis, gérant de sociétés, chargé (en 1995) d’une mission par le gouvernement pour mieux exporter les produits culturels français, homme de médias avec le mensuel « Savoir s’enrichir » (2003), etc.

Il multiplie les best-sellers aux titres explicites comme « Money » (1980), « Cash » (1981), « Fortune » (1982), « Le Roi vert » (1983), « Duel à Dallas » (1984) ou « Cartel » (1990). Il enchaîne avec des essais ou documents comme « Le Régime Sulitzer » (1993, pour maigrir), « Laissez-nous réussir » (1994).

Dans ces années fastes, il habite un palais italien de 450 m2 dans le huppé 7e arrondissement de Paris, possède une villa à Saint-Tropez et un ranch en Arizona, des tableaux de maître, une Ferrari à 1 million d’euros et la même Aston-Martin que celle de James Bond, selon ses confidences à L’Obs en 2018.

« Ruiné »

Mais la chance tourne: victime en 2004 d’un AVC qui l’amoindrit fortement, il vit aussi un divorce compliqué – assorti d’une interminable bataille judiciaire autour de sa fortune – avec sa troisième épouse Delphine Jacobson, fille d’un proche de l’escroc américain Bernard Madoff.

« Je suis dans le classement des divorces français les plus chers », soulignait-il en 2018, assurant avoir perdu 20 millions d’euros dans l’affaire. 

Mis en cause dans la tentaculaire affaire de l’Angolagate (une vente d’armes à l’Angola dans les années 1990), il est condamné en 2009 à 15 mois de prison avec sursis et 100.000 euros d’amende pour recel d’abus de biens sociaux. Si, en 2011, la cour d’appel de Paris contredit ce jugement, estimant qu’il n’y a finalement pas eu trafic d’armes, le mal est fait.

« J’ai été dix ans sous contrôle judiciaire, on m’a pris mon passeport. Ma carrière de conseiller financier international a été décrédibilisée et j’ai fait deux comas », a-t-il déclaré en 2011, passant, selon lui, du « statut de multimilliardaire flamboyant à celui de ruiné ».

Il continue à publier, sans guère de succès: « L’Escroc du siècle » (2009, un roman inspiré par l’affaire Madoff) ou une autobiographie, « Monstre sacré » (2013). 

Père de quatre enfants nés de plusieurs unions, il a été officier de l’Ordre national du mérite mais, après l’Angolate, en a été exclu. Il s’était fait discret ces dernières années, vivant en Belgique, à Nice puis à l’île Maurice, où il est décédé des suites d’un AVC.

ccd/vdr/frd/may/ale

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici