Marthe Richard, Madame 100.000 vies

Marthe Richard apporte les dernières corrections à son manuscrit relatant ses mémoires, chez elle à Paris, le 22 août 1973 © Getty Images
Alice Kriescher Journaliste

Ce lundi, à 20 h 55, Arte diffuse «Les Enchaînés», un classique d’Alfred Hitchcock inspiré en partie de la vie de Marthe Richard (1889-1982), prostituée, aviatrice, espionne et femme politique française.

C’est une vie de misère à laquelle est destinée la petite Marthe Richard, née Betenfeld le 15 avril 1889 en Meurthe-et-Moselle. Comme pour sa sœur aînée, on ne voit pas d’autre destin pour elle que couturière, mais Marthe a d’autres projets, elle fugue à 14 ans… sans succès. Deux ans plus tard, elle prend à nouveau la fuite, direction Nancy. La seconde est la bonne !

Proxénète italien

Enfin, pas réellement. Marthe tombe sous le charme d’un Italien se présentant comme un artiste. Malheureusement son Transalpin n’a rien d’un doux poète, c’est un proxénète. Placée dans un «bordel à soldats», la jeune Marthe se voit contrainte d’effectuer parfois plus de cinquante passes par jour et contracte la syphilis. La maladie lui vaut d’être renvoyée de l’établissement et fichée comme prostituée mineure dans un dossier officiel.

Bourgeoise aventurière

Peu d’opportunités pour la jeune fille si ce n’est… reprendre la même activité, à Paris cette fois, et dans une maison close d’un standing plus élevé. En 1907, Marthe y rencontre Henri Richer (elle prendra le pseudonyme Richard plus tard), un riche industriel. L’homme s’éprend de son amante rémunérée et la demande en mariage. Très vite, Henri initie sa jeune épouse à sa passion : l’aviation. Elle devient l’une des premières françaises à obtenir son brevet en 1913.

Elle voulait jouer la fille de l’air

Lorsque la guerre éclate, Marthe n’a qu’une ambition : embrasser l’armée de l’air. Un rêve partagé avec d’autres femmes qui n’aboutira pas, les autorités ne souhaitant pas intégrer des aviatrices. Devenue veuve de guerre en 1916, elle expliquera plus tard avoir été recrutée par un agent du contre-espionnage pour une mission à Madrid afin obtenir, sur l’oreiller, les confidences de l’attaché naval de l’ambassade allemande. Accusée de fabuler, Marthe publie «Ma vie d’espionne au service de la France», un succès qui sera adapté au cinéma. Durant la Seconde Guerre mondiale, elle intègre les Forces françaises de l’intérieur et termine la guerre avec une carte de Résistante.

La veuve qui clôt

Forte de cette réputation d’héroïne des deux guerres, elle est élue conseillère dans le IVe arrondissement de Paris. En décembre 1945, elle prend la parole devant l’Assemblée parisienne pour exiger la fermeture des maisons closes. Son discours fait mouche. «Fière de cette première victoire, l’ancienne prostituée se lance dans une campagne nationale», explique Le Point. «Le 13 avril 1946, le Parlement vote la fermeture des maisons closes.» Si elle la regrettera, en partie, quelques années plus tard, elle restera dans l’esprit du public «la veuve qui clôt».

Vérité ou affabulation ?

Marthe Richard décède en février 1982. Sa biographie et surtout ses faits d’armes durant les deux guerres, est toujours sujette à controverses. Dès la fin de la Première Guerre, jusqu’à sa mort, des voix se sont élevées pour dénoncer les aventures supposées de Marthe Richard. «Elle a passé son existence à duper les autres afin de se créer une vie magnifique. Toutes ses biographies et autobiographies se contredisent et manquent de clarté sur certains points», confesse Nicolas d’Estienne d’Orves, auteur de l’ouvrage «Marthe ou les beaux mensonges», dans Le Point. «Encore aujourd‘hui, je n‘arrive pas à distinguer ce qui relève de l’invention et ce qui est vrai.»

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