Marcello Mastroianni : la classe et l’audace !

Au Festival de Cannes 1996, avec sa fille Chiara, quelques mois avant sa disparition © Gamma-Rapho via Getty Images

Le père de Chiara Mastroianni ne fut pas qu’un séducteur. Et lutta même contre ce cliché en sélectionnant des rôles burlesques ou dramatiques. Ce vendredi à 22h50, France 5 lui consacre un portrait avec le documentaire «Marcello Mastroianni, irrésistiblement libre».

En entendant son nom, les cinéphiles songent d’emblée à la scène mythique de « La Dolce Vita » (de Fellini, 1960) où la voluptueuse Anita Ekberg, s’ébrouant dans la fontaine de Trevi, appelle suavement l’acteur : « Marcellooo ! » Et celui-ci l’y rejoint pour un instant follement romantique. Mais Mastroianni, seul acteur étranger nommé trois fois aux Oscars et récompensé deux fois à Cannes, était plus qu’un beau brun au charme décalé.

Sans machisme

« Qu’y a-t-il de si moderne chez mon père ? », s’est un jour demandé sa fille cadette, Chiara, elle aussi actrice, dans Les Inrockuptibles. « Il avait une façon délicate de se mouvoir. Il a proposé une version différente de la masculinité, sans brutalité, sans machisme. » Effectivement, malgré les lunettes noires, l’élégance à l’italienne, la voix rauque, le comédien avait un visage très expressif où pouvaient défiler en une seconde toutes les émotions qu’il jouait avec une rare authenticité.

Peut-être a-t-il appris à marier charisme et pathos au cours de sa jeunesse précaire. Né en 1924 d’une mère aux emplois multiples et d’un père charpentier, le héros des « Yeux noirs » (1987) a confié : « On acceptait la pauvreté comme une condition naturelle. Je portais en seconde main les habits de mon oncle, avec des manches trop grandes. On m’appelait « petites pattes maigres ». » Rêvant de théâtre, Marcello Vincenzo Domenico Mastroianni fuit l’arrivée des nazis, mais est arrêté et envoyé dans un camp dont il réussit à s’échapper. Et passe le reste de la guerre en clandestin affamé à Venise.

Bouleversant et dérangeant

La « bella vita » commence quand d’éminents cinéastes (Visconti, De Sica, Scola, Ferreri, Altman, Blier, Ruiz) louent son talent. « C’était un acteur très sérieux. Je ne pense pas qu’on réalise à quel point il était intense », souligne Florence Almozini, commissaire d’une rétrospective en 2024 à New York consacrée à l’artiste décédé d’un cancer du pancréas en 1996. Les films et rôles laissés en héritage sont tous bouleversants ou dérangeants : « Divorce à l’italienne » (1961), où son personnage pathétique veut tuer sa femme pour épouser sa cousine ; la scandaleuse « Grande bouffe » (1973), dont les héros meurent en mangeant et buvant jusqu’à la lie ; « L’Événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune » (1973), où il est « enceinte » ; « Ça n’arrive qu’aux autres » (1971), en jeune père qui apprend la mort de son bébé.

Intraitable

Dans ces deux derniers films, il joue avec Catherine Deneuve, rencontrée en 1970. Malgré leur coup de foudre, Marcello, en catholique élevé dans les années 1920, refuse de divorcer de son épouse, la comédienne Flora Carabella, avec qui il a une fille, Barbara. Même devenu papa de la petite Chiara, avec Catherine, l’acteur reste intraitable. Cette dernière se lasse et le quitte. « Ça s’est soldé par un échec et je n’aime pas les échecs. Ne pas avoir la même éducation, les mêmes racines, la même langue, que d’écueils… », dira celle que l’on surnomme « Belle de jour ». Les ex-amants resteront amis. Mastroianni se réjouira de voir sa cadette suivre la même voie que lui et poursuivra les films singuliers, tels « Ginger et Fred » (1986) où, en danseur has-been et chauve, il dénoncera la dévalorisation du 7e art et des spectacles vivants au profit de la télé. Et confiera, au soir de sa vie : « Je suis un bon acteur, parce que j’ai vécu une vie bien remplie. »

Cet article est paru dans le Télépro du 17/4/2025

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