Mae West : la provoc’artiste

Mae West © Arte/AF archive/Alamy Stock Photo

Madonna, Dita Von Teese, Beyoncé ou Lady Gaga n’ont rien inventé. Dès les années 1920, l’artiste fixa les «codes» de la diva sulfureuse ! Ce dimanche à 23h05, Arte dresse son portrait dans «Mae West – Une star sulfureuse».

Cinéphiles et historiens s’accordent : la première «agitatrice culturelle» est Mae West (1893-1980) ! Outrageusement confiante en son destin, la star de la scène et du 7e art des années 1920 a tout inventé de Broadway à Hollywood : indépendance féminine, liberté de ton, glamour, scandales calculés… Et port de tenues ultra-sexy ! Dont des escarpins à talons vertigineux, histoire de ne pas se laisser marcher sur les pieds ! Derrière la star, la dame était aussi un phénomène précoce…

Divine muse sexy

Mary Jane West naît à Brooklyn, à l’été 1893, d’un père irlandais – un ex-combattant devenu détective dont elle héritera l’autorité – et d’une mère allemande ouverte à la libération des femmes, notamment sexuelle. La gamine apprend le théâtre, le chant, les claquettes et monte sur scène à 14 ans. Mini star, elle se met en colère et exige qu’un projecteur l’éclaire tout au long de sa prestation.

Adulte, Mae s’impose sur les planches puis à l’écran en créant un personnage unique : voix singulière, silhouette étranglée dans un corset d’où déborde sa poitrine, rivières de diamants et haut-talons lui donnant une démarche chaloupée.

Ce look provocateur inspire le marketing. La créatrice de mode Elsa Schiaparelli inaugure son parfum «Shocking» avec un flacon aux formes voluptueuses de Mae. Salvador Dali conçoit un canapé inspiré des lèvres de la scandaleuse, baptisé Bocca (la bouche) ou Mae West Lips Sofa.

Prison et dessous chics

La Mary déjà exigeante à l’adolescence ciselle aussi son attitude de divine Mae… Déçue des répliques pas assez choc des scénarios d’Hollywood – elle y a débarqué après la Grande Dépression, fuyant Broadway à New York trop précaire – la capricieuse réécrit ses textes.

«Je me suis créée moi-même», dira-t-elle. «Je ne supporte pas le travail bâclé !» Et d’ajouter en riant : «Shakespeare avait son style, j’ai le mien !» C’est une évidence… Sa pièce intitulée «Sex» fait scandale en 1926, mais l’expose comme jamais. Accusée d’obscénité et de «corrompre la morale de la jeunesse», Miss West écope de dix jours de prison. Elle accepte d’y porter l’uniforme, mais insiste pour garder… sa lingerie en soie ! Elle est libérée au bout d’une huitaine. Pour comportement exemplaire…

Mère des Chippendales

Débutant au cinéma sur le tard, à 38 ans, Mae y impose vite sa griffe. Héroïne du bien nommé «Je ne suis pas un ange» en 1933, elle choisit son partenaire : le beau Cary Grant. Avant-gardiste, elle innove encore avec un show composé uniquement de mâles musclés, estimant que les nanas ont aussi le droit de se rincer l’œil.

Car la scandaleuse est généreuse : l’étoile la mieux payée de son époque exige de bons salaires pour autrui, vend ses bijoux pour les soldats de la Seconde Guerre, sauve son employeur – la Paramount – de la faillite, et refuse de léser les artistes noirs en leur versant des droits d’auteur lorsqu’elle leur emprunte musiques ou chorégraphies.

En hommage à l’icône décédée en 1980, à 87 ans, l’historienne Jill Watts résume : «West a refusé le conventionnel et combattu toutes les formes de censure. Elle s’est révoltée avec humour. Les gens sont plus disposés à écouter ce qu’on leur souffle avec autodérision. Mae est une légende pour nous tous.»  

Cet article est paru dans le Télépro du 4/3/2021

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici