Les Belges à la conquête du monde !

Virginie Efira a dû vaincre les préjugés que subissent trop souvent les Belges hors de leurs frontières © ISOPIX

Fini les complexes d’infériorité, le repli dans les tranchées de l’humilité. La Belgique est sortie de sa réserve grâce au talent et au style inimitable de ses figures de proue.

Bien que Jacques Brel, Raymond Devos, Georges Simenon, Marguerite Yourcenar ou la regrettée Annie Cordy aient ouvert la marche de la gloire nationale, dans les années d’après-guerre, ils ont été, malgré eux, les sujets de «blagues belges» de comiques franchouillards, tels Thierry Le Luron et Coluche. Soudain, notre accent et nos singularités sont devenus de grossiers clichés. Il nous en a fallu du temps, du charisme et de la créativité pour échapper à l’étiquette du gentil ket issu d’un Royaume-où-l’on-mange-des-frites, avec le Q.I. d’une moule, une fois !

Belgitude, un concept inestimable

Contre toute attente, ces a priori ont renforcé notre sens de l’autodérision. Celle-ci s’est muée en force, voire en institution. Dans le sillage de leurs aînées, les nouvelles générations belges, toujours plus douées, explosent au grand écran, raflent les palmes à Cannes, les Césars et les Victoires de la Musique dans la Ville lumière, les Ours à Berlin, les saladiers sur les terrains de tennis, illuminent les planches, se hissent en haut des charts américains, font rire ou vibrer les Frenchies (eh oui !) et les autres nations à coups de bandes dessinées hors normes, de plumes innovatrices, de personnalités aussi décalées qu’attachantes.

Plastic Bertrand a hissé le mouvement punk jusqu’aux États-Unis en 1978, Arno a succédé à Gainsbourg, Amélie Nothomb occupe les têtes de gondoles des librairies du monde entier et le félin «geluckien» est traduit en plusieurs «langues-de-chat». Dresser aujourd’hui un inventaire exhaustif de nos génies relèverait du défi. À défaut de pouvoir tous les recenser, on peut juste se dire : «Godverdomme, quelle est donc leur recette ?». «La Belgitude fait partie de nous mais, qu’il m’est très difficile de la décrire en France», a répondu notre compatriote Charlie Dupont, lors de la sortie du film «Il était une fois, une fois» (2012). «Car les Français renvoient aux Belges une image de bonhommie et d’humour qui, je vous l’assure, nous échappent complètement, mais dont ils sont friands.»

Dur, dur d’être Belge ?

Certes, il a fallu se faire une place, voire s’en inventer une pour mieux s’installer et durer. Ainsi, si elle ne le dit pas, Virginie Efira a dû vaincre les préjugés que subissent trop souvent les Belges hors de leurs frontières. Laurent Tirard a confié lors de la promo de son long métrage «Un homme à la hauteur» où l’actrice prend toute sa dimension : «Je ne connaissais pas très bien Virginie et n’avais pas vu beaucoup de ses films, mais lors de ses essais, ça a été une évidence ! Elle a un sens de la comédie impressionnant et joue les scènes avec une rare subtilité. C’est aussi une grande bosseuse. Elle se dit complexée par ses origines belges et son Plastic Bertrand statut d’ex-animatrice de télé, mais j’ai découvert une femme intelligente et extrêmement cultivée.»

«Le con du Français»

La journaliste-animatrice-humoriste Charline Vanhoenacker confirme dans le Figaro : «Quand je suis arrivée à Paris, en 2002, le Belge était encore le con du Français, il y avait de l’arrogance et de la condescendance. Mais dans la pop culture, les choses ont évolué. Autrefois, les artistes belges ne revendiquaient pas leur origine, ils essayaient de se fondre. Maintenant, ils sont décomplexés. Nos voisins nous ont longtemps caricaturés avec les frites, c’est maintenant à notre tour de les mettre en boîte !». Et de dire à Télépro : «J’ai désormais l’impression qu’on me considère comme une curiosité exotique. Je sens cet intérêt bienveillant. Peut-être ai-je aussi le recul suffisant pour me permettre une certaine liberté de ton et tendre le miroir avec un regard extérieur.»

Quel accent ?

Mais après tout, l’Hexagone ne serait-il pas tout bonnement, et cordialement, jaloux de la nonchalance made in Belgium ? Et des nombreuses variétés d’accents qu’ils ont du mal à imiter ? L’acteur et humoriste François Xavier-Demaison qui incarne un Belge dans «Il était une fois, une fois» (2012) confie : «Mon personnage, Willy Vanderbrook est toujours sur le fil. À commencer par cette question d’accent qui me faisait très peur avant le tournage. Sur le plateau, je demandais à mes partenaires belges de me corriger s’ils sentaient que je forçais le trait !» Fait amusant, alors que nos voisins s’angoissent et se prennent les pieds dans le tapis quand il s’agit de nous «copier-coller», beaucoup de personnalités belges ont refusé, dès leurs débuts, de gommer leur pittoresque prononciation. Tel Benoît Poelvoorde qui ne s’est jamais départi de ses tonalités namuroises et en a rajouté. Aujourd’hui, on aurait d’ailleurs du mal à l’imaginer à l’écran avec un accent parisien !

Flexibilité

Être issu d’un pays où cohabitent maints accents, langues et expressions juteuses s’avère finalement être un atout ! Cette facilité d’adaptation linguistique a permis à Matthias Schoenaerts de passer les frontières comme une lettre à la poste. Et, sur les traces du pionnier Jean-Claude Van Damme, à séduire les Anglo-Saxons. Le Times britannique le décrit comme «hot and belgian» (chaud et belge), tandis qu’Hollywood le baptise «The Belgian Marlon Brando» pour sa carrure et sa palette de jeu versatile. Selon le sexy Schoenaerts, son multilinguisme l’aurait aidé à conquérir la scène internationale : «Pour bouger et découvrir, la langue est la clé. Cela m’a apporté beaucoup d’oxygène.» Et à l’instar de ses homologues qui ont joué avec des cinéastes et acteurs anglais ou américains – telle notre Cécile de France («Around the World in 80 days» (Le Tour du monde en 80 jours), «Hereafter» (Au-delà), «The French Dispatch») –, travailler avec de grosses pointures n’a pas entamé sa simplicité : «À Hollywood, les gens sont très méticuleux sur l’image, parlent des heures avec leurs managers. Tout est vanité parce qu’ils essaient d’être parfaits. Je ne veux pas être comme ça, je veux être libre !»

Ni hiérarchie, ni lunettes noires

Ce qui rappelle l’anecdote de Poelvoorde décrivant son boulot lors d’une conférence à Panthéon-Sorbonne : «Quand vous tournez en Belgique, tout est permis. Il n’y a pas de hiérarchie. Le preneur de son ou le caméraman peut donner son avis. (…) C’est de l’artisanat, la liberté ! En France, ce n’est pas possible ! Si une bagnole gêne le cadre, le réalisateur hurle sur le premier assistant qui g… sur le second qui g… sur le régisseur. Chez nous, au lieu de chercher un responsable, on la bouge !»

Rareté et modestie

Cette humilité passe aussi par le rejet de la flagornerie et de la mise en scène. Comme l’a fait un géant modeste : Jacques Brel (dont le fameux «Ne me quitte pas» a été repris plus de 270 fois aux États-Unis : «If You Go Away»). Comme le souligne François Damiens : «Brel a été jusqu’au bout sans se perdre dans la notoriété. Il ne s’est jamais laissé acheter. C’est rare.» En fait, c’est belge, tout simplement.

Le saviez-vous ?

  • En 1966, le chanteur italo-belge Adamo fut le meilleur vendeur de disques dans le monde, juste derrière les Beatles !
  • Pour stocker les empreintes dans ses archives, le FBI utilise un modèle mathématique créé par la Belge Ingrid Daubechies.
  • La bakélite, le gaz, l’atlas, la Bourse, le duffel-coat doivent leur nom à des inventeurs belges.
  • L’expression «le 9e Art», celui de la BD, a été créée par Morris, le père de Lucky Luke.
  • C’est le Belge Gérard Blitz qui, en 1950, a créé le 1er village de vacances et le Club Med.
  • Dans le film «Spider Man 2», le héros US porte un costume dessiné par le styliste hasseltois Stijn Helsen.
  • C’est le Belge Jean Jadot qui réalisa, en 1900, la ligne de chemin de fer Pékin-Hankow.
  • Des boulons fabriqués à Huy ont servi à la construction de la Statue de la Liberté, à New York.

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 15/10/2020

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