L’enquête pour viols visant Gérald Marie, figure des agences de mannequins, classée pour « prescription »

Gérald Marie, ancien directeur Europe de l'agence de mannequins Elite, le 30 novembre 2004 à Shanghai © AFP LIU JIN

Une enquête classée mais pas forcément terminée: le parquet de Paris a clos pour « prescription » lundi les investigations sur des viols et agressions sexuelles visant Gérald Marie, figure des agences de mannequins, mais celui-ci fait l’objet depuis janvier d’une plainte visant à la désignation d’un juge d’instruction.

L’ex-journaliste de la BBC Lisa Brinkworth avait porté plainte contre M. Marie à l’été 2020, dénonçant une agression sexuelle en octobre 1998 dans un club milanais, au cours du tournage d’un documentaire.

Trois anciennes mannequins avaient accompagné cette plainte de signalements pour dénoncer des faits de viols ou d’agressions sexuelles, l’une étant alors mineure, qui seraient survenus entre 1980 et 1998.

Le parquet de Paris avait ouvert en septembre 2020 une enquête pour « viols et agressions sexuelles » sur majeur et sur mineur, confiée à la Brigade de protection des mineurs (BPM).

Depuis, aucune victime non prescrite n’avait été identifiée par les enquêteurs, avait indiqué une source proche du dossier à l’AFP en janvier.

Lundi, le parquet de Paris a classé sans suite l’enquête « du fait de l’acquisition de la prescription de l’action publique ».

Dans une circulaire de février 2021, le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti avait demandé qu’à l’issue des enquêtes préliminaires, le classement pour cause de « prescription » intervienne « uniquement (…) lorsque les faits révélés ou dénoncés dans la procédure constituent bien une infraction mais que le délai fixé par la loi pour pouvoir les juger est dépassé ».

« Lorsqu’au terme des investigations, l’infraction ne paraît pas constituée, c’est le motif +infraction insuffisamment caractérisée+ voire +absence d’infraction+ qui doit être coché, même lorsque les faits faussement dénoncés auraient été prescrits », poursuivait l’instruction de la Chancellerie.

« Nous n’abandonnerons pas tant que nous n’aurons pas obtenu justice », a réagi Mme Brinkworth auprès de l’AFP.

S’exprimant en son nom et pour quinze autres « survivantes de Gérald Marie », Lisa Brinkworth a appelé « le milieu du mannequinat à fournir à la justice toutes les preuves nécessaires et demandées inlassablement » depuis 2020.

Nouvelle plainte

L’avocate de M. Marie, Me Céline Bekerman, a elle déclaré: « nous nous félicitons du classement sans suite de cette affaire. La justice a enfin triomphé malgré l’infâme campagne médiatique que (son client) subissait depuis deux ans ».

« Par cette décision, il est désormais acquis que Gérald Marie est et demeurera innocent. Le temps est maintenant à l’apaisement, bien que nous n’excluions pas des poursuites pour dénonciation calomnieuse », a ajouté ce conseil.

Début janvier, avant même cette décision de classement, les avocats de Mme Brinkworth avaient pourtant déposé une plainte avec constitution de partie civile, demandant qu’un juge d’instruction soit saisi des faits afin de permettre un « débat » sur la prescription « quand la victime est empêchée d’agir par un climat de menaces et de pressions ».

Dans leur nouvelle plainte, ils mettaient en cause des consignes imputées à la BBC et un accord passé à l’époque entre la télévision britannique et Elite après une plainte en diffamation de l’agence.

Suite à ces consignes, Mme Brinkworth se serait interdite de porter plainte, faute notamment d’avoir pu disposer des images qui prouveraient son agression.

Un porte-parole avait indiqué à l’AFP que la BBC « prenait ces sujets très au sérieux » et faisait « tout ce qu’elle pouvait pour aider Mme Brinkworth dans ses démarches en France, y compris en fournissant des documents aux enquêteurs français, qui nous ont assuré qu’ils avaient ce dont ils avaient besoin ».

Pour William Bourdon, avocat de Mme Brinkworth, « le débat de principe » sur la prescription « qui nous est refusé se tiendra devant la juridiction d’instruction ».

« Cette décision de classement est uniquement liée à la prescription des faits dénoncés par mes clientes et non à l’absence d’infraction pénale », a réagi l’avocate historique de Mme Brinkworth, Me Anne-Claire Le Jeune, évoquant comme Mme Brinkworth une prochaine « action civile pour les nombreuses autres victimes » et « de nouveaux éléments » qui viennent « étayer les allégations des victimes ».

« Les preuves font cruellement défaut en l’espèce » a répondu l’avocate de Gérald Marie.

Il appartient désormais à la justice parisienne de se prononcer sur la recevabilité de la plainte de Mme Brinkworth avant éventuellement de la confier à un magistrat instructeur, ce qui pourrait prendre plusieurs mois.

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