Le violoniste star Vasko Vassilev, de la Couronne à sa Bulgarie déshéritée
Il a troqué le smoking contre un pantalon tout-terrain. Le virtuose bulgare Vasko Vassilev, premier violon au couronnement de Charles III, a sauté le soir même dans un avion pour entamer une tournée dans son pays natal.
A Montana (nord-ouest), dans la région la plus pauvre de l’UE, la scène est vétuste, l’éclairage blafard mais l’atmosphère est endiablée, le public enthousiaste. Loin du décor feutré de l’abbaye de Westminster.
« Un contraste » qu’apprécie le violoniste de 52 ans aux tempes grisonnantes, sourire éclatant et dégaine de gamin.
Entré il y a trois décennies au sein du prestigieux orchestre de la Royal Opera House situé à Covent Garden, où il est aussi directeur de la création, Vasko Vassilev joue ce soir de juin « ce qui lui plaît », de Bach au flamenco, de Bizet au tango.
Dans la salle pleine à craquer, les habitants du coin savourent une rare occasion d’assister à un concert de haut niveau.
« Pour moi, c’était très important de me produire dans ces villes, qui accueillent peu d’événements musicaux », explique-t-il à l’AFP.
A Londres, le public était trié sur le volet. Ici les spectacteurs, « avides de culture, sont prêts à se priver pour pouvoir se payer une place » (de 15 à 25 euros), « oublier leur quotidien et entrer dans un monde magique ».
Refus des étiquettes
« C’était merveilleux, j’en ai des frissons », confie Micho Stavrov, un entrepreneur de 64 ans. « Une performance à couper le souffle », renchérit Eva Yanakieva, étudiante en économie, les bras chargés des disques de son idole.
Plus de 40% vivent au-dessous du seuil de pauvreté dans cette région de la Bulgarie, elle-même membre le moins riche de l’Union européenne.
Cette tournée était prévue de longue date, avant le décès de la reine Elizabeth II. Et le violoniste n’y aurait renoncé pour rien au monde.
Conduisant lui-même sur les routes délabrées, Vasko Vassilev s’adapte à des conditions difficiles pour profiter au maximum de « l’émotion » qui le saisit dès les premières notes.
Enfant de la balle, né de l’union entre un violoniste et une pianiste, il admet ne pas avoir vraiment pu décider de son métier: « j’avais le choix entre le violon… et le piano », s’amuse-t-il.
A huit ans il monte sur scène et deux ans plus tard, son talent lui vaut d’être envoyé par le gouvernement communiste au conservatoire de Moscou.
Lauréat du concours Paganini de Gênes, super soliste de l’opéra de Lyon, il devient à 23 ans le plus jeune premier violon de l’orchestre londonien, tout en refusant d’être mis « dans la case musicien classique ».
« Il est important de savoir interpréter tous les genres. Même Mozart a joué de la musique populaire », insiste-t-il.
Banitsa et boza
Malgré son parcours international et une dizaine de langues parlées – « toutes très mal » -, il confesse « s’être toujours senti Bulgare », et jouit chez lui d’une immense popularité.
Dans chaque ville, il goûte de la banitsa, une pâtisserie traditionnelle salée, avec du boza, une boisson à base de céréales typique des Balkans.
Entre deux concerts, il se souvient de la cérémonie du 6 mai qui l’a marqué plus que tout autre événément de sa carrière.
Quand il a appris qu’il serait premier violon au couronnement du roi Charles III, il s’est dit dans un communiqué « particulièrement fier en tant que citoyen britannique naturalisé ».
« En participant à ce spectacle somptueux, qui n’a lieu qu’une ou deux fois par siècle, nous sommes devenus partie intégrante de l’Histoire », raconte-t-il. « A l’Opéra, on ne fait que retranscrire sur scène les grands moments. Or cette fois, nous étions au coeur de l’évènement ».
Son périple bulgare à peine terminé, Vasko Vassilev s’est envolé en tournée au Japon avec le Royal ballet de Londres. « Nous musiciens, nous sommes une tribu nomade, toujours en voyage », sourit-il.
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