Le Royaume-Uni commence à écrire son histoire post-Elizabeth
Après le parfum de communion nationale qui a marqué les funérailles d’Elizabeth II, le Royaume-Uni a tourné une page de son histoire et retrouvé mardi le cours de son existence. Non sans s’interroger sur son avenir sans cette figure unificatrice.
Pour un dernier au revoir à leur reine, décédée le 8 septembre à 96 ans dont 70 ans de règne, des centaines de milliers de Britanniques s’étaient massés lundi dans les rues de Londres et de Windsor, pour voir passer le cercueil.
Un moment de communion nationale relayé à une audience télévisée planétaire, qui a figé le pays et fait chuter la consommation d’électricité lundi en matinée – jusqu’à 2 gigawatts, ou l’équivalent de deux réacteurs nucléaires.
Ils avaient été nombreux aussi, dans les cinq jours précédant ces majestueuses funérailles, à adresser un baiser, improviser une révérence ou verser une larme devant le cercueil exposé nuit et jour au public dans une salle du parlement, après des heures d’attente.
« Plus de 250.000 (personnes) sont passées par le Parlement », selon une estimation provisoire, a déclaré la ministre de la Culture, Michelle Donelan, sur Sky News. C’était pour la reine mère 200.000 personnes en 2002.
Les « adieux » à la reine dominaient encore mardi toutes les Unes de la presse britannique, qui rivalisait d’hommages et de photos des événements. Le Telegraph, proche des conservateurs, soulignait « une effusion d’amour ».
Après son inhumation dans l’intimité, la famille royale a publié sur son compte Twitter une photo inédite d’Elizabeth II, la seule souveraine que beaucoup de Britanniques aient jamais connue, la montrant en 1971 dans les terres de son domaine écossais de Balmoral, où elle s’est éteinte.
La « magie d’Elizabeth »
Symboliquement, comme les membres du gouvernement précédemment, des députés doivent prêter mercredi allégeance au nouveau roi Charles III, 73 ans – lequel, comme sa mère, a promis de servir son peuple toute sa vie.
Mais l’actualité mise entre parenthèses durant le deuil national a vite repris le dessus.
Même si le deuil de la famille royale se prolonge d’une semaine supplémentaire, les drapeaux ne sont plus en berne et le gouvernement de la Première ministre Liz Truss, arrivée au pouvoir deux jours à peine avant le décès d’Elizabeth II, entend à nouveau grogner les Britanniques mécontents de l’envolée du coût de la vie.
En cette période de crise, le potentiel coût pour le contribuable des funérailles, qui n’a pas été dévoilé, fait aussi grincer quelques dents.
La ministre Michelle Donelan a tenté de faire taire les critiques, affirmant qu’à son sens les Britanniques estimeraient que « c’était de l’argent bien dépensé ».
« Je pense que personne ne peut insinuer que notre défunte monarque ne méritait pas ces adieux, étant donné le devoir et le service désintéressé auxquels elle s’était engagée durant plus de 70 ans », a-t-elle insisté.
Velléités indépendantistes en Ecosse, tensions communautaires en Irlande du Nord, crises sociales, nouvelles générations moins attachées à la tradition… Le Royaume-Uni doit désormais s’atteler à écrire une nouvelle page de son histoire.
En route pour l’Assemblée générale des Nations unies, Liz Truss a souligné le grand élan de sympathie témoigné par la population à Charles III, que ses premiers déplacements officiels l’ont mené dans les quatre nations constituant le pays (Angleterre, Ecosse, Irlande du Nord, Pays de Galle).
Sa tâche s’avère toutefois délicate, estime The Guardian.
« Les 10 derniers jours ont constitué des vacances par rapport à l’habituelle polarisation politique: l’admiration pour la reine était l’une des seules choses sur lesquelles la plupart des gens pouvaient s’accorder », écrit le quotidien de gauche, soulignant son rôle rassembleur.
« S’il s’avère que c’était lié à la magie d’Elizabeth, plutôt qu’à la couronne, alors on ne sait pas combien de temps Charles aura un Royaume-Uni sur lequel régner », prévient-t-il.
Le Times, à droite, estime que Charles III aura encore un important rôle à jouer: « Il devrait être ce que la plupart de nos dirigeants semblent incapables d’être, un discret symbole de vertu et de décence, digne de respect ».
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