Le rêve américain des sœurs Williams
Depuis leur ghetto de Compton, Venus et Serena se sont hissées jusqu’au sommet du tennis mondial. Ce vendredi à 22h25, Arte diffuse le documentaire «Venus & Serena».
Septembre 2022, New York. «Sans Venus, pas de Serena. Alors, merci Venus», déclare, en larmes, la cadette des sœurs Williams sur le court de l’US Open où elle vient de disputer le dernier match de sa carrière. La retraite de la plus grande joueuse de tous les temps – elle est la seule, hommes et femmes confondus, à avoir remporté tous les titres du Grand Chelem et des JO en simple et en double – sonne la fin d’une époque pour le tennis féminin. Durant plus de vingt ans, les deux sœurs afro-américaines ont marqué l’histoire de leur discipline. Vendredi sur Arte, un documentaire retrace le parcours de «ces icônes que l’Amérique ne voulait pas voir».
Avant même leur naissance (en juin 1980 pour Venus et septembre 1981 pour Serena), leur père, Richard Williams, imagine une carrière sportive pour sa progéniture. «Je ne connaissais rien au tennis», raconte-t-il, «je n’avais jamais vu une balle de tennis ! Avant leur naissance, j’ai regardé un match à la télévision. Virginia Ruzici (une joueuse roumaine, ndlr) avait gagné 40.000 dollars pour un tournoi remporté en quatre jours. Alors, j’ai dit à leur mère : on va faire deux enfants qui vont devenir joueuses de tennis.»
Père et mentor
Sur le terrain public de son ghetto de Los Angeles, le père Williams s’improvise entraîneur de tennis pour ses filles qu’ils voient comme deux poules aux œufs d’or. «Mon père a créé Venus et Serena Williams», reconnaîtra un jour la cadette. Et si la modeste famille s’installe à Compton, berceau du gangsta rap américain, ce n’est pas un hasard. «Le ghetto fait de toi quelqu’un de dur, de coriace et de sain d’esprit», confie-t-il. Sans oublier que cela est plus vendeur face aux médias pressés de venir filmer ces cendrillons de la petite balle jaune.
Le plan du paternel est bien rodé et fonctionne. À tel point que les deux sœurs rejoignent l’académie de Rick Macci, en Floride. Face à ces deux pépites qui se distinguent par leur puissance exceptionnelle, le coach dit à Richard Williams qu’il a la prochaine Michael Jordan entre ses mains. «Non, les deux prochaines», répond-t-il ! Pourtant, à leurs débuts professionnels, ce qui détonne dans le monde élitiste (et blanc !) du tennis, c’est surtout… leur peau noire ! C’est le choc des cultures et leurs dreadlocks en perles font d’abord plus parler que leurs résultats.
Palmarès sans égal
Imperturbables, Venus et Serena enchaînent les victoires, sur toutes les surfaces, tous les continents et tous les tournois. Elles se forgent un palmarès sans égal : soixante-deux titres du Grand Chelem à elles deux, dont quatorze remportés ensemble en double. Au cours de leur carrière, elles affrontent aussi le racisme du public, les soupçons de tricherie (pour des matches supposément arrangés par leur père), les critiques (sur leur physique, leurs tenues, leurs comportements…) et des drames (meurtre de leur demi-sœur, maladie chronique pour Venus, embolie pulmonaire pour Serena). Les deux championnes donnent au tennis féminin une autre dimension. Elles n’hésitent pas à militer pour l’égalité salariale avec les joueurs masculins et contre les violences policières et les discriminations raciales. Servie par cette sororité unique en son genre, leur aura dépasse les limites des courts de tennis. Devenues des modèles pour les femmes de toutes origines, Venus et Serena apparaissent dans un épisode des Simpson et dans leur propre émission de téléréalité, lancent leur ligne de vêtements et voient même Hollywood s’intéresser à leur histoire («La Méthode Williams», avec Will Smith).
Cet article est paru dans le Télépro du 6/7/2023
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