Le retour de la cagoule, ou quand l’anonymat devient un luxe
Avec seul le regard bleu apparent, les top modèles Bella et Gigi Hadid font du ski encagoulées tandis qu’Aya Nakamura pose en cagoule sur la pochette de son dernier album. L’accessoire des années 1980 revient en force à l’ère des selfies, où l’anonymat devient un luxe.
Après les podiums et comptes Instagram des influenceuses, la cagoule est partout: dans les looks d’invités des Fashion Weeks ou couvrant la tête d’artistes pour les vernissages.
Les marques à l’esthétique plutôt sobre comme COS et Max Mara ont misé sur la cagoule dans leurs défilés et campagnes publicitaires et les Galeries Lafayette l’ont intégrée dans la ligne de leurs propres accessoires.
Cette pièce forte séduit des publics de 7 à 77 ans par la multitude de messages qu’elle dégage.
« La cagoule, c’est un signe revendicateur, c’est facile pour les stories Instagram, c’est un gros +statement+ (une affirmation) de cacher le visage. D’un autre côté, l’accessoire qui vient de l’armée et des grands froids parle de la protection », résume pour l’AFP Lucie Jeannot, cheffe des produits mode du salon Première Vision.
« Le rapport au visage, à l’identité et à l’anonymat a beaucoup évolué avec le port du masque pendant le Covid », analyse Marie-Laure Gutton, responsable du département accessoires du palais Galliera, musée de la mode de Paris, interrogée par l’AFP.
« Nouvelle féminité »
Le contexte, des vagues de froid à la guerre en Ukraine où la cagoule est très présente, a contribué à ce que l’accessoire revienne « dans le paysage collectif » avant d’être réapproprié par la mode, ajoute-t-elle.
Elle distingue deux types de cagoules: fonctionnelle et protectrice, alliance d’un bonnet et d’une écharpe ou « intégrale » qui fait référence « aux gangs, aux paramilitaires, à certains rappeurs un peu extrêmes et a une notion de contestation ».
Pour Nathalie Bluet, directrice des marques propres des Galeries Lafayette, le port de la cagoule traduit une « nouvelle féminité »: dissimuler le visage en dénudant le corps.
La chanteuse Aya Nakamura joue sur ce contraste pour son album DNK sorti en janvier: la cagoule-casquette blanche couvrant la bouche est portée sur le buste nu, faisant ressortir des cils XXL et de longs ongles manucurés.
« Quand on est dans la surexposition, l’anonymat devient un luxe. Le fait de pouvoir savoir qui on est même sans se montrer, c’est la célébrité ultime », souligne Lucie Jeannot.
Un peu à la manière de ce qu’avait fait Kim Kardashian, intégralement masquée dans un look noir Balenciaga au gala du Met en 2021.
« C’était une étape ultime de sa communication autour de son corps, de ses fesses qu’elle a utilisées pour marquer son image. Elle est plus reconnaissable par ses lignes que par les traits de son visage », souligne Marie-Laure Gutton.
Statut social
Autre élement d’explication: le ski, auquel est naturellement associé la cagoule, est « redevenu quelque chose de très luxueux après le Covid » comme en témoignent les campagnes avec les influenceuses « invitées à tous les chalets de Chamonix et à Megève », souligne Lucie Jeannot. « La cagoule est devenue un marqueur social » surtout si elle est griffée Jacquemus ou d’une autre marque en vogue.
« D’un objet vintage, cela devient un objet tendance qui se prête à pas mal de déclinaisons, des versions avec une visière, soit près du visage, soit très lâche, porté comme un fichu », souligne Marie-Laure Gutton.
Les puristes pourraient protester, mais Anthony Vaccarello, directeur artistique de Saint Laurent, a déclaré avoir développé le thème de la « cagoule » dans sa dernière collection masculine en janvier après avoir couvert en septembre les femmes des pieds la tête de robes fluides et transparentes.
Chez l’homme, elle s’est déclinée en des cols montants couvrant la bouche ou des capuches fluides.
Jacquemus propose lui une cagoule-casquette, tandis que Marine Serre a habillé hommes et femmes de combinaisons avec des cagoules couvrant entièrement le visage.
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