Le rappeur Dave remporte un Mercury Prize aux sonorités révoltées
Le rappeur engagé Dave, 21 ans, a remporté jeudi soir à Londres le prestigieux Mercury Prize, avec son album « Psychodrama », qui explore l’identité noire et dénonce le racisme institutionnalisé.
« Je ne sais pas quoi dire, je veux d’abord inviter ma mère à monter sur scène », a déclaré le chanteur sud-londonien, vêtu d’un survêtement, après avoir interprété son émouvant titre « Psycho » sur la célèbre scène de la salle de concert Eventim Apollo Hammersmith.
« Je veux remercier mon frère Christopher (emprisonné en 2013, ndlr) qui a inspiré cet album, c’est ton histoire ici », a-t-il ajouté.
Créé en 1992, le Mercury Prize consacre le meilleur album britannique ou irlandais des douze derniers mois. Il s’accompagne d’une récompense de 25.000 livres (28.000 euros) et propulse généralement les ventes de l’album distingué.
« C’est un grand compliment. C’est sûrement le plus beau jour de la vie de ma mère », a plaisanté Dave lors d’une conférence de presse. « Tout ça est bien plus grand que moi, tous ces mois de travail, tous ces gens en coulisses », a-t-il souligné.
« Psychodrama » est une plongée dans le lourd héritage de la communauté noire, mais aussi une célébration de son identité. « Noir est bien plus profond qu’être africain-américain (…) on avait de vraies reines », chante Dave dans son titre « Black ». « Plus la baie est noire, plus le jus est sucré. Un enfant meurt, plus le tueur est noir, plus la nouvelle est sucrée », poursuit-il.
« Psychodrama » est un album « de courage et d’honnêteté, simplement exceptionnel », a salué la DJ et membre du jury Annie Mac, au moment de remettre le prix.
– Climat, BoJo et saltos enragés –
Dave n’était pas le seul artiste révolté à avoir pris le micro pour ce Mercury Prize.
La cérémonie s’est ouverte avec le groupe de rock anglais Foals et leur album « Everything not saved will be lost – Part 1 », présenté par l’hôte de la soirée, Lauren Laverne, comme « une bande-son au drame du changement climatique ».
A suivi sur scène l’Anglaise Anna Calvi. Son album « Hunter » explore les notions de genre pour « se libérer du patriarcat ». L’interprète guitariste, à la voix puissante et les yeux maquillés de noir, a terminé sa chanson « Don’t beat the girl out of my boy » à genoux, sous les applaudissements du public.
Mais la salle s’est vraiment enflammée avec le phénomène montant du rap anglais Slowthai, 24 ans, et son album « Nothing Great about Britain ». « Il n’y a rien de grand en Grande-Bretagne », a répété comme un credo l’artiste au flow piquant, critique et blasé. Cet Anglais, originaire des Midlands, en a aussi profité pour insulter le Premier ministre britannique Boris Johnson, en brandissant un masque à son effigie.
C’est donc devant un public chauffé à bloc que le groupe punk Idles a défendu son album « Joy as an Act of Resistance », la masculinité toxique, celle qui force les hommes à « boire », à « ne pas pleurer ».
Son chanteur principal Joe Talbot, 34 ans, les cheveux teints en rose, a ponctué sa performance en frappant rageusement du pied. « J’étais l’un de ces gars quand j’étais plus jeune, (coincé) dans un putain de bocal à poissons, qui voulait s’échapper », racontait cet ancien alcoolique dans une interview au Guardian en 2018. Avec la musique, « c’est important d’essayer d’éduquer ».
On retiendra aussi le show étonnant de Black Midi pour leur titre « bmbmbm » (Schlagenheim): jets de guitare, salto raté, le tout sur de la musique rock quasi psychédélique, pour la plus grande joie du public.
Sont également montés sur scène: les punks irlandais Fontaines DC (« Dogrel ») qui dénoncent la gentrification de Dublin, Little Simz (« Grey Area ») qui critique le monde cloisonné du rap masculin, mais aussi Cate Le Bon (« Reward »), Nao (« Saturn ») et SEED Ensemble (« Driftglass »). Le groupe The 1975 (« A Brief Inquiry into Online Relationships ») était en revanche absent.
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