Le monument Sammy Davis Jr.

Sammy Davis Jr., atteint d’un cancer de la gorge, meurt le 16 mai 1990, à l’âge de 64 ans © Isopix
Aurélie Bronckaers
Aurélie Bronckaers Journaliste

Ce dimanche à 23h15, Arte lui consacre un documentaire, «Les Nombreuses vies de Sammy Davis Jr.»

Artiste protéiforme, Samuel George Davis Jr. (1925-1990) est avant tout un homme noir dans une Amérique ségrégationniste. Fils d’Elvera Sanchez, danseuse, et de Sammy Davis Sr., artiste aux multiples talents, le jeune Sammy s’intéresse dès l’enfance à la profession d’artiste. Après le divorce de ses parents, il part en tournée avec son père et apprend les bases du métier. Sachant chanter, danser et jouer, il est un couteau suisse remarqué.

Avec son paternel et son oncle de cœur, Will Mastin, il forme un groupe hors pair. En 1943, le Will Mastin Trio se démantèle quand Sammy est appelé à servir dans les forces américaines. Frontalement confronté à la discrimination raciale au cours de son service militaire, il rejoint un club de divertissement. Le jeune homme découvre que son talent est une arme et qu’être sur scène est un moyen de défense face à la haine.

Le Rat Pack

Son retour à la vie civile lui permet de vivre de sa passion. Decca Records le repère dans un de ses spectacles. En 1954, l’artiste enregistre son premier album, «Starring Sammy Davis Jr.». Il devient le premier Noir à obtenir la première place du Billboard 200 avec un album solo. Un an plus tard, il sort un deuxième disque, «Just for Lovers».

En 1959, il rejoint la troupe de Frank Sinatra, le Rat Pack, et enregistre une dizaine de disques. Le groupe, mêlant musique et comédie, connaît un succès fulgurant, jouant à guichets fermés chaque soir. Adepte de la vie sulfureuse de Las Vegas, le Rat Pack s’y produit régulièrement. Le réalisateur Sam Pollard, dont le documentaire «Les Nombreuses vies de Sammy Davis Jr.» est diffusé ce dimanche soir sur Arte, déclare que certains clubs ne l’acceptaient pas. Que le groupe devait jouer dans «la partie noire de la ville». Les membres refusent toute collaboration avec les établissements où règne cette haine. Leur réputation aura joué un rôle important dans l’abolition de la ségrégation dans les hôtels et casinos de la ville.

«Noir, juif et borgne»

Telle était sa formule fétiche. En 1954, la même année que la sortie de son premier album, Sammy Davis Jr. perd l’usage de son œil gauche après un accident de voiture. Après ce drame, l’homme comble le vide spirituel de sa vie et se tourne vers le judaïsme. Un rabbin lui aurait rendu visite à l’hôpital et convaincu de se convertir.

Sam Pollard confirme qu’un homme noir et juif, à cette époque, est une surprise : «Cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de Juifs noirs avant Sammy Davis Jr. Mais avec sa célébrité, ce fut une surprise incroyable, un homme noir dont la plupart des gens pensent qu’il est probablement baptiste ou chrétien, et non il est juif !» L’artiste concentre deux communautés sujettes à la discrimination. Il est aussi homme à vouloir s’affranchir de sa couleur.

En 1960, son mariage avec l’actrice suédoise May Britt divise ainsi l’Amérique. Car les mariages interraciaux sont interdits dans de nombreux États et le resteront jusqu’en 1967, soit un an avant son divorce…

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 24/9/2020

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