Le cri «À poil !» du journaliste Hugues Dayez (RTBF) remis en débat au tribunal au 1er juin

Hugues Dayez est l'un des critiques cinéma les plus écoutés de Belgique francophone © Isopix

Le tribunal correctionnel de Bruxelles a décidé mardi après-midi de rouvrir les débats du procès pour sexisme visant le journaliste de la RTBF Hugues Dayez. Ce dernier est poursuivi pour avoir crié « A poil! » dans la salle de presse de la cérémonie des Magritte de février 2017 durant le discours de l’actrice Anne-Pascale Clairembourg. Les plaidoiries ont été fixées au 1er juin à 14h00. Elles porteront sur la légalité du droit d’agir du Conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB), a précisé mercredi l’avocate de l’association Me Lily Kengen, sur base de la copie du jugement reçue en matinée.

Le quotidien Le Soir avait rapporté l’exclamation, à la suite de quoi le Conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB) avait décidé de porter plainte pour injures sexistes et de se constituer partie civile. 

Entendu le 13 avril par le tribunal, Hugues Dayez avait expliqué avoir blagué avec d’autres journalistes en disant que si la cérémonie continuait à traîner en longueur, ils allaient faire comme les spectateurs du BIFFF (Festival International du Film Fantastique de Bruxelles) et que c’est dans ce contexte qu’il avait crié « À poil ! ».

Les questions posées par le tribunal en vue de l’audience du 1er juin concernent surtout la base légale sur laquelle se fonde le CFFB pour se constituer partie civile. 

Me Kengen avance qu’il s’agira de débats techniques de droit, ceux sur le fond étant clos. Elle défend que l’ASBL est autorisée à agir sur base de la loi contre le sexisme de 2014, de la Convention d’Istanbul traitant de la violence de genre et de l’article 17 alinéa 2 du Code judiciaire. Celui-ci traite de l’action d’une personne morale visant à protéger des droits humains ou des libertés fondamentales reconnus dans la Constitution et dans les instruments internationaux qui lient la Belgique. 

Le juge a notamment demandé aux parties de revenir sur le bien-fondé de l’application de ce dernier article inséré par la loi du 21 décembre 2018, soit après la constitution de partie civile. Même si le juge décidait qu’il pouvait être appliqué rétroactivement par exemple parce qu’il permet de combler une lacune du droit, Me Léa Teper, l’avocate du journaliste cinéma de la RTBF, remarque que « cet article a été adopté en rapport avec les procès qu’on aimerait pouvoir mener pour poursuivre les violations en matière d’environnement ».

Sur le fond, elle estime que son emploi pour justifier de poursuites contre des propos jugés sexistes pose question au niveau des droits individuels des victimes.

Me Teper souligne que le CFFB a intenté l’action sans l’accord préalable d’Anne-Pascale Clairembourg, contactée par après. « En matière de discrimination, l’exigence d’obtenir l’accord de la victime est légalement prévue et cela a du sens, car une victime peut ne pas avoir envie que son cas soit instrumentalisé par un groupe d’intérêt privé. » Elle avance que seul le ministère public peut poursuivre des faits pour lesquels une victime n’a pas souhaité porter plainte.

« C’est capital que des associations comme le CFFB ici puissent ester en justice dans le cadre d’une action d’intérêt collectif, spécialement quand on s’inscrit dans le cadre d’une violence de genre comme le sexisme », argue Me Lily Kengen. « C’est garantir le droit des victimes, même si pour des raisons x ou y, elles décident de ne pas porter plainte elles-mêmes ».

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