«Le Che en toute intimité» (Arte) : faux sage, vrai sauvage
Figure légendaire associée à la rébellion, encore brandie dans les contestations, Che Guevara (1928-1967) avait aussi ses côtés peu glorieux… Portrait dimanche à 23h20 sur Arte.
«Son histoire a tout pour susciter des émotions et un sentiment d’appartenance chez ceux qui refusent de mener une vie conformiste», explique Daniele Zambelli, auteur du beau livre en anglais «Che Guevara : Tú y Todos» (éd. Skira, 2018). Plus de cinquante ans après sa mort, Ernesto «Che» Guevara, leader révolutionnaire cubain d’origine argentine, reste un emblème de la lutte contre l’hégémonie occidentale dans le monde. À travers son portrait «Guerrillero Hero ? co» pris en 1960 par Alberto Korda, il nourrit pourtant la société de consommation : gadgets, mode, affiches, t-shirts, tatouages, graffitis, livres, films (Benicio del Toro l’a incarné en 2008, dans le biopic «Che»)… Qui se cachait derrière cette icône ambiguë ?
Machine à tuer
Né dans un milieu modeste gauchiste, en 1928 à Rosario (Argentine), le frêle et jeune asthmatique se destine à la médecine. Ernesto obtient son diplôme à l’université de Buenos Aires, en 1953. Mais visitant l’Amérique du Sud avec un ami, il découvre la pauvreté et l’oppression du peuple. Cette image bouleverse celui qui hait l’inégalité sous toutes ses formes. Influencé par les idées marxistes, il est alors convaincu que seule la révolution armée peut tout changer. Il rejoint Fidel Castro et l’aide à renverser le dictateur cubain Fulgencio Batista en 1959. Castro prend le pouvoir, le Che est nommé président de la Banque nationale de Cuba, puis ministre de l’Industrie et établit des plans de redistribution des terres. Malgré son souhait honorable de se battre pour les plus faibles, beaucoup le décrivent comme «une machine à tuer de sang-froid». Ce médecin et père de famille aimant n’hésite pas à tirer sur ses ennemis, préconisant la violence pour maintenir la liberté et le bien collectif…
Héritage controversé
Au début des années 1960, il porte la casquette d’ambassadeur, établit des relations avec d’autres pays, dont l’Union soviétique, et joue un rôle-clé dans l’invasion de la Baie des Cochons. Rédigeant discours, manifestes ainsi qu’un manuel sur la guérilla, Guevara condamne aussi la politique étrangère américaine et l’apartheid en Afrique du Sud. Exalté, il quitte Cuba en 1965, avec l’intention ferme, mais trop idéaliste, de prôner la révolution dans d’autres parties du monde. Parti en Bolivie avec des rebelles, le Che est capturé et tué, le 9 octobre 1967, par l’armée qui l’enterre dans une fosse commune afin de délégitimer son idéologie. «Au lieu de cela», dit son biographe John Lee Anderson, «son mythe a grandi et n’a cessé de se développer». De nos jours, si son image alimente encore nombre d’idéaux, elle souffre de distorsions. «L’idée d’humanisme du personnage est en contradiction avec certains de ses écrits», poursuit Anderson. «Sa vision impliquait une refonte utopique de la planète à travers une guérilla. S’il avait survécu, ses desseins auraient été violents…»
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 18/02/2021
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