Laurence Badie, cette voix aigrelette unique
Doublage de dessins animés, jeux télévisés, répertoire classique, théâtre de boulevard ou encore cinéma… L’actrice Laurence Badie, décédée jeudi à 96 ans, avait le don de faire rire avec ce timbre aigu si singulier.
Sans forcément connaître son visage, des générations d’enfants se souviennent de la voix haut perchée qu’elle prêtait au personnage de Véra dans le dessin-animé « Scooby-Doo ».
Les plus âgés se rappellent plutôt de cette blonde menue et gouailleuse, petite frimousse rieuse au nez retroussé, qui a fait les grandes heures de « L’Académie des neuf », l’émission télévisée à succès du midi dans les années 1980, animée par Jean-Pierre Foucault.
Petits rôles pour grands cinéastes
« Ma voix m’a beaucoup servie professionnellement. Moi je ne l’entends pas mais, souvent, les gens me reconnaissent encore grâce à elle, au téléphone ou dans le taxi. Il y a toujours beaucoup de sympathie. C’est fou mais c’est comme ça », confiait en 2017 au Télégramme celle qui se partageait alors entre Paris et le Finistère.
Dans sa longue carrière, elle tourne aussi dans plus d’une centaine de films, séries et téléfilms. Souvent des rôles secondaires, de soubrettes ou de serveuses, mais parfois avec des grands cinéastes, de Sacha Guitry à François Truffaut en passant par Vincente Minelli, Alain Resnais et Vittorio De Sica.
De son nom complet Laurence Dolores Badie-Lopes, elle naît le 15 juin 1928 à Boulogne-Billancourt, près de Paris. Sa grand-mère veut que, plus grande, elle ait « un bon bureau ». La voilà à HEC. Un an seulement… « J’ai été virée ! »
Elle, de toute façon, préfère le théâtre. Et prend des cours avec le comédien Julien Bertheau. Lors d’une audition, elle s’emmêle les pinceaux et lâche un « Oh merde ! ». « Il faut prendre celle qui a dit +merde+ », tranche le metteur en scène, un certain Georges Wilson qui la fait entrer au TNP (Théâtre national populaire) de Jean Vilar, où elle reste près de dix ans.
Le théâtre de boulevard
Avec déjà une prédilection pour les rôles comiques. « Les plus belles années de ma vie ! Là où j’ai tout appris, au contact des grands acteurs: Gérard Philipe, Philippe Noiret, Maria Casarès ».
Parallèlement, elle tourne pour le cinéma, où elle est repérée dans « Jeux Interdits » (1952), de René Clément. On lui confie vite des rôles de soubrette. « Comme les gens manquent d’imagination, dès qu’il fallait jouer une petite bonne, j’étais engagée. J’en ai joué beaucoup ».
Mais elle est aussi l’une des rares Françaises à jouer avec un des monstres sacrés d’Hollywood, Kirk Douglas. Un petit rôle dans « La Vie passionnée de Vincent Van Gogh » mais la scène est finalement coupée au montage…
En 1961, Jean Vilar, qui a vite vu son potentiel comique, lui confie: « Il ne faut pas que tu restes ici » au TNP. « Le théâtre de boulevard, c’est ça ton affaire, vas-y ! »
Ce sera son univers pendant des décennies. Elle joue notamment dans des pièces de Sacha Guitry mais, surtout, le public se presse pendant un an et demi pour la voir au côté de Louis de Funès dans « Oscar », mis en scène par Pierre Mondy.
Côté doublage, outre Véra dans Scooby-Doo, elle est la voix française de bien d’autres personnages de dessins animés comme Casper le gentil fantôme ou le chien Rocky.
« J’ai vite renoncé à être une grande vedette de cinéma », assurait-elle. Sans regret. « Je ne suis passée à côté de rien du tout. Pour moi, tout est écrit ! »
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici